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Vendée Globe 2024 : Bestaven abandonne • Dalin et Richomme au coude à coude

lundi 30 décembre 2024Information Vendée Globe

Ce lundi, Yannick Bestaven (Maître CoQ V), tenant du titre, a été contraint de prendre une décision déchirante : se retirer de la course après de graves problèmes techniques qui ont rendu son bateau inapte à poursuivre cette épopée. Pour ce marin qui porte en lui l’esprit même de l’aventure et du dépassement de soi, ce renoncement est un véritable coup de massue. La douleur est d’autant plus vive qu’il avait déjà connu l’amertume de l’abandon en 2008, et qu’il devient ainsi le deuxième vainqueur de cette course légendaire après Vincent Riou en 2012 à devoir renoncer après avoir goûté à la gloire.


Cette fin prématurée souligne l’implacable dureté du Vendée Globe, une épreuve qui ne laisse aucune place à la moindre faiblesse, même chez les plus expérimentés. C’est un rappel opportun pour tous les solitaires encore en course. Une course qui entre dans une nouvelle phase résolument stratégique, tant pour les leaders, qui traversent une période de transition pour le moins scabreuse au large du cap Frio, que pour leurs poursuivants les plus proches, prêts à affronter une étape particulièrement délicate entre les îles Malouines et Rio de Janeiro. En résumé : le long des côtes sud-américaines, un terrain de jeu exigeant se dessine, où chaque choix tactique pourrait renverser le classement !

« Si vous ne savez pas où aller, n’importe quel chemin vous y mènera ». Cette célèbre phrase, attribuée au dialogue entre Alice et le Chat du Cheshire dans Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, dépasse la simple logique absurde du conte. Elle illustre le principe de relativité des choix : sans une destination clairement établie, les critères pour décider du chemin à prendre disparaissent. Elle peut aussi être perçue comme une leçon sur l’acceptation de l’incertitude. Parfois, avancer, même sans but précis, est mieux que rester immobile. Un concept simple à théoriser, mais beaucoup plus facile à avaler dans un livre fantastique que sur un bateau qui chancelle, où chaque choix tactique ressemble à une partie de poker avec des cartes invisibles. Yoann Richomme et Charlie Dalin, les deux leaders du Vendée Globe, se retrouvent justement dans cette partie de bluff grandeur nature, coincés dans un front froid au large du cap Frio, au Brésil. Pour eux, pas question, évidemment, de rester plantés-là. Leur seule option ? Remonter lentement vers le Nord, un bord après l’autre, comme un randonneur dans une côte boueuse. C’est une navigation où chaque mille gagné s’accompagne d’un soupir de soulagement… ou d’un juron. « Comment je me projette ? Je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas où je vais ! », a avoué le skipper de PAPREC ARKÉA, ce lundi, lors de la vacation officielle, alors immobilisé dans le calme plat, tel un spaghetti collé au fond de la casserole.

Poker mental

« Franchement, on va là où le vent nous mène. Il n’y a pas moyen d’anticiper quoi que ce soit sur le plan de la stratégie. On prend ce qu’on a et on avance autant que possible sur la route. C’est impossible de faire des plans sur la comète », a ajouté l’actuel leader de la flotte, dans la même galère que son principal rival, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), de nouveau accroché à ses basques comme une ventouse tenace. « C’est parti pour de longues heures à se torturer l’esprit, et sans doute à péter les plombs. Peut-être qu’il y en aura un de nous deux qui aura plus de chance que l’autre. C’est dur d’évaluer la manière dont on va s’en sortir. Aujourd’hui, l’écart entre nous semble minime mais il pourrait s’avérer crucial pour réussir à sortir de cette situation. Ce n’est vraiment pas simple cette histoire ! », a relaté Yoann qui sait l’importance de garder son calme et de poursuivre sa route, tout en acceptant de ne pas avoir réellement le contrôle des choses. « On n’a pas des vents qui durent assez longtemps pour investir. C’est un peu aléatoire mais on savait que l’Atlantique Sud serait une vraie partie de poker » a-t-il précisé.

Des histoires d’aile de mouette

Dans les moments de tension où chaque décision compte, l’expérience accumulée au fil des années devient une arme précieuse. Naviguer dans des conditions exigeantes demande bien plus qu’une simple maîtrise technique : il faut savoir jongler entre la concentration sur la performance du bateau et la gestion de son propre équilibre physique et mental. Un équilibre subtil, forgé par des années d’apprentissage. « En ce moment, le niveau d’énergie est assez bas mais avec Charlie on a l’habitude de gérer ces moments-là, c’est-à-dire les moments où il faut arriver à être à la fois concentré sur la marche du bateau et réussir à vivre tout en emmagasinant un peu de repos, même si ce n’est jamais évident », a développé le double vainqueur de la Solitaire (en 2016 et 2019) qui devrait retrouver des conditions favorables mercredi soir ou jeudi et, dès lors, entamer une « aile de mouette » pour négocier l’anticyclone de Sainte-Hélène. Parfaitement bien à sa place en ce moment, ce dernier oblige également les poursuivants à redoubler d’ingéniosité et de stratégie pour progresser vers l’équateur. Ces derniers vont eux aussi devoir trouver le meilleur itinéraire et jongler habilement entre la zone de haute pression atmosphérique et une petite dépression qui se creuse actuellement au large de l’Argentine. « Ça promet d’être complexe », a confirmé Paul Meilhat qui devrait également prochainement réaliser une fameuse « aile de mouette », c’est-à-dire optimiser sa route en fonction des vents disponibles, tout en minimisant les risques liés aux transitions météorologiques.

Kelps, vents et espoir

Être en Atlantique, c’est déjà un beau cadeau, mais ce qui fait vraiment du bien, c’est surtout le changement de rythme

Paul Meilhat - Biotherm

« Être en Atlantique, c’est déjà un beau cadeau, mais ce qui fait vraiment du bien, c’est surtout le changement de rythme », a confié le skipper actuellement en train de contourner les îles Malouines. « La nuit dernière, l’ambiance rappelait celle de la Solitaire du Figaro en Manche, avec une profusion de kelps, ces grandes algues brunes. C’était assez épuisant d’autant que le vent était assez instable le long de la côte. Cependant, les couleurs étaient splendides, passant du vert foncé au vert clair, avec des nuances de turquoise », a relaté le skipper de Biotherm qui carbure en ce moment à l’optimisme comme un moteur bien rodé, même s’il regrette de ne pas avoir pu emprunter le détroit de Lemaire tout comme Sam Goodchild (VULNERABLE) l’a fait de son côté. « Je pense que c’était un bon coup mais il n’était pas jouable pour moi avec les timings du courant », a terminé Paul, conscient que ceux qui seront positionnés les plus à l’ouest risquent de prendre un avantage, du moins dans un premier temps. Car une certitude demeure : la phase qui s’amorce pour lui et son petit groupe s’annonce hautement stratégique et riche en rebondissements. Une aventure où il faudra avancer avec finesse. Si le Chat du Cheshire était là, il leur dirait sans doute : « Peu importe le chemin que vous prenez… tant que vous avez du vent pour avancer ! »


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