Bilan course

37e America’s Cup : les gagnants et les perdants de la Preliminary Regatta de Barcelone

mercredi 28 août 2024Christophe Guigueno

Le grand show de la Coupe de l’America, 37e génération, a commencé la semaine dernière à Barcelone. Les 5 Challengers et le Defender ont régaté pour la première fois en match-racing sur le plan d’eau de l’America’s Cup à bord de leurs monocoques de la nouvelle génération. Si la victoire est revenue, sans surprise, aux Kiwis, les matchs ont permis de voir où en était la concurrence vis-à-vis du détenteur de la Coupe avant les régates de sélection du Challenger. Ce fut instructif mais sans surprise avec son lot de gagnants et de perdants que voici…


Gagnant : Emirates Team New Zealand

Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe de l’America, le Defender s’est incrusté dans une compétition avec les Challengers préparant la compétition qui désignera le meilleur d’entre-eux. Et comme dans toute compétition de la Coupe de l’America moderne, celui qui gagne est encore une fois le team néo-zélandais. L’équipe de Grant Dalton a remporté le classement des round robins et s’est imposée en finale face aux Italiens. Intouchables les Kiwis ? Dès que le vent dépasse 8 noeuds réels, ils peuvent naviguer à la contre-gîte (les seuls à le faire) et déposent les concurrents avec une vitesse supérieure jusqu’à 3 noeuds. Seul ombre au tableau néo-zélandais : une manche face aux Américains dans 7 nœuds lors de laquelle ils ont perdu leur mojo et laisser filer la victoire. Mais la Coupe aura lieu en octobre, dans des conditions sans doute bien différentes de celles de la Preliminary Race et (comme d’habitude) de celle de la Louis Vuitton Cup qui débute jeudi.

Perdant : Orient Express Racing Team

Quentin Delapierre pouvait Coué-muniquer qu’ils faisaient peur aux autres challengers avec leur bateau dont les plans avait été achetés aux Néo-Zélandais. La réalité de la Coupe a rattrapé les franchies avec un résultat final tout en bas du score board. Départs ratés, pénalités, erreurs de manoeuvres, problèmes techniques, vitesse inférieure, les membres d’Orient Express Racing Team n’ont pas été à la hauteur de l’événement. Mais en aurait-il pu être autrement ? Derniers inscrits, disposants du plus petit budget, derniers à mettre à l’eau leur bateau et donc, derniers à naviguer… les chances de briller étaient très très faibles dans cette compétition qui représente l’élite mondiale de la voile de compétition. Dans ces conditions, Delapierre et ses équipiers n’ont pas démérité. Dans un vent de 7 à 12 noeuds, ils ont montré qu’ils avait été rapides à prendre en main le bateau. Avec les Suisses, ils sont les deux seuls teams débutant sur la Coupe en AC75 et c’est déjà un exploit d’être à Barcelone. Mais la sélection des challengers débute déjà demain. Ils n’ont hélas pas le temps de s’entrainer encore. Reste à faire au mieux et tenter des exploits au coup par coup. Bonne chance !

Gagnant : Luna Rossa Prada Pirelli

Les bateaux, c’est comme les voitures : la beauté du design est annonciatrice de performance. Le bateau italien, tout comme le Kiwi et l’excentrique américain, fait preuve de fluidité et d’ingéniosité avec son poste de barre doté d’une vision optimisée grâce à son pare-brise. Vainqueur de la sélection des Challengers en 2021 à Auckland (la Prada Cup), l’ex-Challenger of Records, battu 7 à 3 en finale de la Cup il y a 3 ans, est à la hauteur de sa réputation. Les Italiens se sont hissés comme attendu en finale de la Preliminary Race où ils ont été (trop ?) agressifs et performants. Si au final ils sont battus par le Defender, l’enjeu de cette compétition et de cette finale avant l’heure était plutôt de chercher ses limites et de mettre la pression sur le détenteur de la Coupe. Mais sans craquer soit-même. Reste le plus dur pour les Transalpins : remporter une fois encore la Louis Vuitton Cup pour revenir jouer avec les Néo-Zélandais le droit de détenir la fameuse aiguière d’argent.

Perdants : Les téléspectateurs de Canal+

Abonné MyCanal, j’étais heureux de pouvoir voir les matchs en direct ou en replay sur mon ordi ou ma TV connectée. Mais Canal+ aime bien perturber ses clients en leur faisant participer à un jeu de piste pour trouver les retransmissions visibles sur l’appli du téléphone mais pas sur celle de la TV. Et quand on ne trouve pas le replay, on voit apparaître le résumé qui donne déjà le résultat d’un des matchs ! Un bug bien agaçant qui arrive à l’occasion pour la Formule 1. Mais, quand on est sur le bon fichier (live ou replay), reste à endurer les commentaires. Après les 653 « Voilà » et 327 « Là » de la première journée, on a retrouvé les inénarrables onomatopées de la présentatrice. Entre les « c’est dingue » et autres « attentiooooonnn » ou encore le « vous allez nous faire stresser ». Ben pourquoi ? Spectateur assidu des Sail GP séries, j’ai du faire comme tout le monde avec ces commentaires de supporters mais j’espérais que, depuis le temps, le niveau serait remonté… Enfin, il y a le niveau de connaissance qui laisse parfois à désirer comme des commentaires concentrés sur la vitesse réelle sans regarder les traces. Heureusement, l’organisation a fini par indiquer les VMG sur les deux dernières journées de régate. Et j’aurais aimé aussi plus de commentaires sur les foils, les gréements, les choix de voile. Et des observations essentielles comme sur le fait que les Néo-Zélandais étaient les seuls à naviguer à la contre-gîte… Ha « c’est dingue » mais il faut faudra faire avec. Ou pas ! Les premières régates de la Louis Vuitton Cup ne semblent pas être retransmise sur Canal+. Ce sera sur Youtube alors. « Dingue ! » [1]

Gagnant : NYYC American Magic

Les Américains du New York Yacht Club étaient passés à côté de la Prada Cup en 2021. Leur bateau était raté et ils avaient réalisé quelques sorties de route mémorables. Mais c’était la première édition de la Cup. On a vu avec cette Preliminary Race que le niveau est largement monté et que même les nouveaux arrivants contrôlent mieux leurs machines. Cette année, les Américains sont revenus avec un beau bateau. Un monocoque volant original et performant qui leur a permis de battre les Néo-Zélandais sur un match-race. Ce sont les seuls à avoir réussi cet exploit. Troisièmes au final, il va leur falloir faire encore mieux pour battre les Italiens, leur adversaire n°1 sur la Louis Vuitton Cup. Tout en surveillant les challengers des Challengers aux dents longues issus des autres pays européens.

Perdant : Ineos Brittania

S’il y a de beaux bateaux sur le plan d’eau barcelonais, il y en a… Les Anglais pouvait-ils faire pire que leur AC75 d’il y a 3 ans ? Heureusement non, mais ils n’ont pas pour autant beaucoup dévié de leur concept avec haut franc-bord et gros postes de pilotage. Le monocoque à foils semble pataud et n’est parvenu à s’imposer que face aux petits nouveaux, les Suisses et les Français. Ben Ainslie et son gros budget ne sont pas à la hauteur de l’événement qu’ils préparent pourtant depuis 3 ans. Vont-ils réussir à sur-performer et créer la surprise en tant que Challenger of Record ? Let see…

Gagnant : Barcelone

Les Néo-Zélandais, en tant que détenteurs de la Coupe, disposent de tous les privilèges. Ils choisissent le type de bateau et du plan d’eau. Cette année, ils sont préféré Barcelone à Auckland. Le terrain de jeu des Class America est beau avec ses plages et sa ville à proximité. Avec 7 à 12 noeuds de vent et des conditions de mer changeantes sur les 4 jours de compétition, le spectacle a été à la hauteur de l’événement. Une question quand même : où étaient les spectateurs ? Avec le circuit Sail GP, on est maintenant habitués à voir les happy-few célébrer les vainqueurs avec leurs petits drapeaux nationaux. Et tout autour des « boundaries », les limites extérieures des parcours banane, où sont les bateaux spectateurs ? Pas vus. Espérons que le spectacle attirera plus de monde d’ici la Cup en octobre.

Perdant : Alinghi Red Bull Racing Team

Tout comme les Français, les Suisses sont les petits nouveaux de cette édition de la Coupe de l’America. En cela, on peut comprendre le résultat final : avant-derniers avec 0 point. On attendant pourtant mieux des anciens vainqueurs de la Coupe de l’America. Cette année, ils étaient même associés à l’équipe de Formule 1 Red Bull Racing… des spécialistes de l’aéro ! Et ils sortent un bateau pataud, épais, difforme. C’est aéro cela ? On pourrait penser que dans 7 à 12 noeuds de vent, l’aéro compte moins. Mais dans 7 à 12 noeuds, ces monocoques volants filaient entre 30 et 48 noeuds ! Donc si ça ne marche pas dans le petit temps, cela ne marchera pas mieux dans la brise. Reste que les Suisses disposent de l’expérience et des moyens financiers pour se ressaisir. De là à créer à la surprise ?

Ch.Guigueno

Portfolio


[1NDR du 29 août : Canal+ a mis à jour son programme sur son appli ce matin et diffusera bien la LV Cup dès aujourd’hui. Ça va être dingue ! ;-)



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