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Transat Jacques Vabre

Michel Desjoyeaux : "les différences de potentiel sont minimes"

Emmanuel Le Borgne : "Le passage du cap Finisterre est un super souvenir !"

vendredi 23 novembre 2007Redaction SSS [Source RP]

Michel Desjoyeaux et Emmanuel Le Borgne, vainqueurs à Salvador de Bahia sur FONCIA en 17 jours 02 heures 37 minutes 05 secondes, font le bilan de cette Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015 après 4 335 milles de course intense. Posé et reposé après une journée de break, le duo porte un regard lucide et expert sur cette première épreuve océanique du monocoque blanc.

De la météo

Michel Desjoyeaux : « La configuration météorologique était inhabituelle pour la saison avec la dépression sur les Açores, mais dans les grandes lignes, les prévisions étaient assez justes. Nous avions décidé de ne pas être routés à terre, par choix délibéré et cela a finalement été très positif dans certaines situations : cela nous a obligés à être très présents devant l’écran et à être les véritables acteurs des options stratégiques. Quand il y avait un nuage ou un couloir de pression, nous changions de route, nous n’attendions pas les instructions du routeur à terre ! »

Emmanuel Le Borgne : « En discutant avec d’autres concurrents à l’arrivée, ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas été totalement maîtres de leur stratégie : ils avaient seulement des directives et parfois, ils n’ont pas exploité un phénomène local qui permettait de se décaler pendant quelques heures… Je me souviens avant le Pot au Noir, où nous avons empanné derrière Bernard Stamm qui entrait sous un mauvais nuage : à la sortie, nous avions huit milles d’écart sous son vent ! »

De la stratégie

Michel Desjoyeaux : « Nous avons fait plus de la tactique que de la météo à partir du Cap Vert : nous avons décidé notre trajectoire en fonction des réactions de nos concurrents en restant toujours sous leur vent. Jean Le Cam qui était très décalé à l’Ouest, nous ne pouvions tout de même pas le chasser aussi et il a été probablement un peu trop extrême au large. Sur les derniers milles, nous avons aussi joué le positionnement en nous plaçant dans l’axe de Safran la veille de l’arrivée, alors qu’il était plus efficace de persévérer vers le Sud pour empanner à la fin. Manu est très formé à la tactique par son expérience en dériveur et j’ai suivi son avis. »

Du double

Emmanuel Le Borgne : « Je n’avais aucune appréhension de la vie en mer en double, mais la pression médiatique au Havre m’a un peu déstabilisé ! Je commençais à me poser des questions sur ma capacité à courir sur FONCIA mais Michel m’a toujours dit de ne pas m’inquiéter. En plus, nous n’avions pas beaucoup navigué sur le bateau. En fait, je suis resté discret les premiers jours et je me suis progressivement plus investi sur la navigation, la météo, les choix tactiques. Et ça s’est superbement passé avec Mich, pas seulement parce que nous avons gagné, mais parce que l’échange a été très enrichissant. Mais je reste un amateur parce que j’ai mon métier d’expert en composites. Je continuerai à naviguer mais de là à me plier aux contraintes du coureur professionnel… Le rôle d’équipier occasionnel me convient très bien ! »

Un bon moment

Emmanuel Le Borgne : « Le passage du cap Finisterre est un super souvenir ! Dans la nuit noire avec toute la toile et quarante nœuds de vent, on se demande ce qui va se passer derrière la vague… Surtout quand j’ai posé la question à Michel alors que ça commençait à devenir chaud.. il m’a répondu que c’était normal ! »

Michel Desjoyeaux : « C’était très agréable avec Emmanuel : au départ, il était plutôt en attente de directives de ma part, et au fur et à mesure, il s’est libéré en prenant conscience qu’il était tout à fait capable de se passer de moi… Il a pris de l’assurance et de la sérénité ! »

Du côté du bateau

Michel Desjoyeaux : « Nous n’avons quasiment pas ouvert la boîte à outils… Juste la clé à molette pour réamorcer le moteur et resserrer un axe de tirant d’outrigger. Et la perceuse à la fin pour bricoler la latte du bas de la grand voile qui s’est cassée à ras du boîtier de mât ».

Par rapport à la flotte

Michel Desjoyeaux : « FONCIA va bien ! Mais quand nous avons vu que tout le monde était ensemble aux Canaries, il faut bien se dire que les différences de potentiel sont minimes… Il y a encore des choix de voile à valider : nous avons un trou dans une fourchette de vent que nous allons combler en vue du Vendée Globe. On est passé d’un jeu Jeu #jeu de six voiles en 1996 à onze actuellement, peut-être treize pour le tour du monde… »

Modifications hivernales

Michel Desjoyeaux : « Pas grand-chose à changer : quelques adaptations pour les emménagements intérieurs, une modification du capot coulissant de protection du cockpit, des changements ergonomiques à l’arrière du cockpit, une transformation du système de point de tire génois-trinquette. »

Les premiers milles

Michel Desjoyeaux : « Nous savions que nous allions avoir du vent portant un bon bout de temps mais pas très soutenu et surtout pas très « académique »… C’était finalement pas mal comme mise en jambe ! Mais c’étaient des conditions où les écarts peuvent se faire très vite : cela a été une régate au contact pendant toute la sortie de la Manche, en passant même le chenal du Fromveur à dix mètres de Gitana 80… Nous étions passés en tête devant Cherbourg, ce qui nous a confirmé que FONCIA allait bien et que nous étions bien dans le rythme. La petite option au milieu de la Manche que nous avons prise, n’a pas changé grand-chose au niveau de Ouessant. »

Emmanuel Le Borgne : « Nous avons butté plusieurs fois sur une bande nuageuse qui nous a bien ralentis et nous avons fait des milles en plus : être en tête à la sortie de la Manche était donc une bonne nouvelle sur nos capacités et celles du bateau. Nous avons hésité entre passer à terre comme l’a fait Safran, ou faire l’extérieur de Sein mais nous avons été déstabilisés par des algues dans le Fromveur qui nous ont obligés à faire une marche arrière, ce qui a permis à Gitana 80 de s’échapper… »

Le golfe de Gascogne

Michel Desjoyeaux : « Le vent est monté petit à petit en restant Nord-Est, ce qui nous faisait naviguer plein vent arrière : nous avons donc enchaîné plusieurs empannages en compagnie de Groupe Bel, Ecover, VM Matériaux avec Gitana 80 devant. C’était une bonne journée où nous allions plutôt vite… Puis le cap Finisterre est arrivé et c’était chacun pour soi ! Jusqu’à 25-30 nœuds, tout va encore bien, mais au-delà, ça devient stressant quand il faut rouler le grand gennaker avec 40 nœuds… »

Emmanuel Le Borgne : « Nous avons même fait la pointe de vitesse Vitesse #speedsailing du bateau : 28,92 nœuds ! Dans une mer courte, très cassante, qui ne permettait pas de glisser facilement… Nous avions anticipé ce renforcement en nous décalant plus à l’Ouest que le reste du groupe, ce qui nous a probablement permis d’avoir un peu moins de mer. »

Vers les Canaries

Michel Desjoyeaux : « Passé le cap Finisterre, nous avons remis de la toile en restant plutôt au large et nous avons bien recollé à Marc Guillemot. Mais il y avait une dorsale à traverser au large de Lisbonne et ce n’était pas évident parce qu’il y avait une grosse différence entre les fichiers météo et la réalité sur l’eau. Nous avons un peu hésité en nous recalant plus vers Gitana 80 et Safran, ce qui n’était finalement pas très bon puisqu’il était plus favorable d’atterrir sur les Canaries en venant de l’Ouest comme Ecover. »

Emmanuel Le Borgne : « Il y a quasiment eu un nouveau départ aux Canaries, puisque ceux qui étaient à l’Est comme Safran, Gitana 80 et FONCIA ont dû forcer la descente vent arrière sous spinnaker, tandis que ceux qui étaient au large comme Ecover, Cheminées Poujoulat et VM Matériaux sont revenus au contact. »

Vers le Cap Vert

Michel Desjoyeaux : « Nous avions observé que la situation était assez simple : il fallait de nouveau se décaler vers l’Ouest… et nous avons fait le contraire ! Nous avons en fait suivi l’option que proposait le routage de l’ordinateur, en partant le long des côtes africaines. L’enchaînement n’a pas été facile puisque le bilan marquait 80 milles d’écart sur le nouveau leader au niveau du Cap Vert… Je n’aurais pas pris un tel risque en solitaire pour le Vendée Globe. Les conditions n’ont pas aussi été tout à fait conformes aux prédictions : il y avait 15° de décalage et nous avons été légèrement en retard par rapport aux fichiers. »

Emmanuel Le Borgne : « Nous avons changé notre fusil d’épaule au dernier moment, parce que nous voulions rester sous la flotte, donc plutôt au large, mais en faisant tourner l’ordinateur au milieu de la nuit, il nous a proposé cette route : au premier classement, Safran était sur la même route que nous, trente milles devant, tandis que le reste de la flotte descendait plus à l’Ouest. Mais Marc Guillemot a retraversé le plan d’eau… et nous avons préféré rester sur notre stratégie jusqu’au bout, plutôt que de croiser derrière tout le monde, tardivement, donc avec beaucoup d’écart… »

L’abord du Pot au Noir

Michel Desjoyeaux : « Au Cap Vert, nous avons 80 milles de retard sur Ecover ! Nous avions l’intention de traverser le Pot au Noir assez à l’Ouest puisque nous avions observé les trajectoires des multicoques et que la zone s’étendait vers le large et vers le Sud… Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les vitesses de nos concurrents plus à l’Est puisque nous allions y rentrer de jour, donc avec un classement toutes les quatre heures. L’avantage de pouvoir empanner très facilement sur FONCIA ne nous a pas réfréné pour manœuvrer. »

Emmanuel Le Borgne : « Nous n’avons jamais arrêté de profiter de la moindre bascule pour gagner vers l’Ouest en manoeuvrant : c’est cette faculté à empanner rapidement qui nous a permis de reprendre du terrain sur les leaders du moment. Entre deux flots de quatre heures, nous sommes restés dans une veine de vent en empannant régulièrement tous les ¾ d’heure, et nous avons parcouru la même distance que nos concurrents, mais avec 30° de gain à l’Ouest ! »

Sortie de Pot

Emmanuel Le Borgne : « Nous n’avons jamais descendu la vitesse Vitesse #speedsailing à moins de sept nœuds : nous étions super confiants et contents d’être là où nous étions. Cela nous a permis de revenir au contact et même de sortir en premier du Pot au Noir… Nous avons eu un souci aussi avec un petit archipel de 22 milles de large (San Pedro et San Paolo) parce que nous n’avions pas les cartes de détail et qu’il se trouvait sur notre route : nous avons dû laisser courir un peu, pour remonter ensuite, perdant environ 5 milles en latéral ! »

Michel Desjoyeaux : « Jean Le Cam ne pouvait pas s’en sortir avec des alizés de Sud-Est, puisqu’il était par notre travers. En revanche, Safran étant sorti plus à l’Est avait un meilleur angle pour ce long bord vers le Brésil : il avait 6° de mieux que nous pour glisser, ce qui fait tout de même 0,7 nœud de différence (3 milles par 4 heures). L’écart a fondu mais ce ne fut pas l’hémorragie ! »

Arrivée à Bahia

Emmanuel Le Borgne : « L’état d’esprit n’était pas le même entre nous ! J’étais plutôt excité, énervé et Michel était super zen… Je n’avais pas navigué au contact avec des écarts réduits depuis des mois alors que Michel avait fait la Solitaire du Figaro Solitaire du Figaro #LaSolitaire pendant ses « vacances » d’été… »

Michel Desjoyeaux : « Nous avions neuf milles d’avance pour la dernière journée de mer et, avec une situation météo stable, il ne devait pas y avoir trop de souci à contenir un retour éventuel. Quand le jour s’est levé, nous avons vu au loin la grand voile de Safran : c’était bon ! On a pu sortir la brosse à dents et le savon… »

Info Presse Team FONCIA / www.teamfoncia.com



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