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Vendée Globe

Jeantot privé de Globe laisse le Vendée à de Villiers

La SEM du conceil général, des Sables et entreprises de Vendée obtient la marque Vendée Globe

mardi 24 février 2004Christophe Guigueno

L’affaire Vendée Globe vient peut être de se terminer lundi par la décision du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon de confier la course à la société d’économie mixte emmenée par le conseil général de Vendée. La course est sauvée... si elle avait jamais été en danger.

Lassitude sur le visage de Jeantot, encore moustachu en 1997. Mais le 3e Vendée Globe se termine et les six mois de travail non stop pèsent sur les épaules de l’organisateur.
Archive 1997 - photo : Ch.Guigueno / Pipof.com/voile

L’idée était géniale ! Quoi de mieux que de partir d’un point pour y revenir au plus vite après avoir fait le tour du monde par les trois caps. Philippe Jeantot, vainqueur de deux BOC Challenge, course autour du monde avec escales, l’avait eu cette idée, inspiré par le Globe Challenge de 1968. Il est même parvenu à la concrétiser en lançant en 1989 le Vendée Globe Challenge (qui a perdu son ’challenge’ plus tard). Avec l’appuie de la Vendée, des Sables d’Olonne et de de Villiers, la course s’élance pour la première fois il y a 15 ans et entre dans la légende des courses au large avec la victoire de Titouan Lamazou. Mais à l’époque, Jeantot l’organisateur est aussi concurrent... Et pendant son absence du PC course, des membres de l’équipe à terre propose ses services pour poursuivre l’organisation Organisation #organisation sans Jeantot ! Quatre ans, plus tard, nouvelles menaces sur la place de Jeantot à la tête de sa course. C’est vrai que l’ancien skipper des monocoques et du catamaran Crédit Agricole est un grand communicant, mais souvent un grand absent. Entre deux Vendée Globe, l’homme à la moustache à la John Bertrand rejoint famille et catamaran pour ses voyages autour du monde. Mais il revient à temps à chaque fois pour reprendre les rennes d’une course devenue mythique. Son soutien principal reste Philippe de Villiers, devenu député et président du conseil général de la région. La course est devenue la meilleure vitrine du département et ses entreprises s’y illustrent comme principaux partenaires des voiliers qui font le tour des média internationaux (PRB, Sodébo, VMI, VM Matériaux, etc, sont basés en Vendée, voire aux Sables d’Olonne).

En 2000-2001, la course atteint des sommets. Aucun incident ne vient perturber l’événement pour la faire entrer dans les faits divers. Le quatrième Vendée Globe est une compétition de haut niveau doublée d’une aventure Aventure exceptionnelle. Le match Desjoyeaux-Parlier puis Desjoyeaux-MacArthur fait la une des journaux. Au passage du Cap Horn, MichDesj se photographie devant le mythique rocher. L’image fait la couverture de l’Equipe ! Parlier de son côté offre à Paris Match l’exclusivité de son aventure Aventure de Robinson roi du carbone au Sud de la Nouvelle Zélande, avant d’émouvoir les spectateurs avec son régime à base d’algues. Enfin, Ellen MacArthur devient une star en rivalisant avec Michel Desjoyeaux jusqu’à le succéder au port des Sables et arriver, elle-aussi, en direct sur France 3 qui fait vivre aux téléspectateurs ce final, de nuit et pendant près d’une heure. Mais cette course exceptionnelle est peut-être alors la dernière que vit Philippe Jeantot en tant qu’organisateur.

Celui qui a résisté longtemps aux pressions externes ou internes se voit rattrapé par le fisc. Il est condamné en novembre 2003 à deux ans de prison avec sursis et 15000 Euros d’amende pour fraude fiscale. Sa société, Sail Com, est mise en liquidation judiciaire. La marque Vendée Globe est alors à vendre... Des bruits circulent alors que beaucoup de personnes sont intéressées. Voire même des villes. Comme si Lorient Lorient L’actualité du port de Lorient et de sa région. ou La Rochelle pouvaient organiser une course nommée Vendée Globe ! Le seul risque était plutôt que, profitant de la mise à mal de l’image de la course, un autre organisateur se lance dans l’aventure. Tracy Edwards, soutenue par un budget faramineux en provenance du Qatar est bien parvenue à lancer l’idée d’une course autour du monde en équipage inspirée de The Race pendant que Bruno Peyron, l’inventeur et organisateur de la course des "No Limit", est obligé de reporter The Race 2 et The Race Tour faute de finances. Mais personne ne se lance sur les traces du tour du monde en solitaire sans escale. Robin Knox Johnson a bien racheté l’ancien BOC pour en faire Around Alone mais a buté sur la recherche de sponsors. La prochaine édition de la course remportée deux fois par Jeantot s’appellera 5 Oceans. Un changement de nom, d’image de marque, qui coûtera cher encore une fois. Faute de concurrence réelle, le Vendée Globe est donc toujours resté dans le vent et la cinquième édition est programmée depuis longtemps pour le 7 novembre prochain avec le soutien de tous les participants. Avec ou sans Jeantot. Ceci prouve déjà que la course est devenue autonome, auto alimentée par l’envie des skippers du monde entier (24 participants en 2000 dont 50% d’étrangers). Et par leurs sponsors !

Les entreprises de Vendée ont ainsi vite répondu à la demande pour créer une SEM qui vient, hier, d’obtenir la propriété du Vendée Globe. Les entreprises vendéennes représentent 18 % des deux millions d’Euros proposés pour le rachat de la marque. Le reste de l’association étant divisé entre le Conseil Général de Vendée (54 %), la ville des Sables d’Olonne (20 %) et la région Pays de Loire (8 %). Voilà donc la course assurée d’être organisée par ceux qui, déjà, étaient investis en tant que partenaires de concurrents ou organisateur du départ et de l’arrivée. Manquera alors celui qui représente la course mieux que quiconque, Philippe Jeantot lui même. En 2000, alors que je faisais partie de l’équipe de communication Communication #Communication de la course, Philippe nous invite à prendre un verre dans un café non loin de la place de l’Etoile à Paris où était situé le PC course. Si l’événement est exceptionnel, car Jeantot est un homme économe, ce qui reste surprenant, c’est que deux ou trois personnes sont venues à notre table pour saluer et discuter avec le marin. Celui que Christian Février appelait le ’Grand Communicant’ au milieu des années 80 est toujours disponible pour discuter des ses aventures et de sa course avec qui que ce soit. Pendant le Vendée globe, c’est même lui-même et personne d’autre qui rédige le communiqué de presse quotidien ! Jeantot était l’image du Vendée Globe. Même s’il paye ses erreurs, la course perd beaucoup en dépersonnalisant son image. Mais le feuilleton n’est pas encore terminé puisque Jeantot a fait appel de la décision qui l’a condamné. Mais la marque a désormais changé de main...


Le commentaire de Philippe Jeantot

Avant cette décision de confier la course à la SEM menée par Philippe de Villiers, Philippe Jeantot a écrit un long commentaire sur le site officiel de la course. En voici quelques extraits intéressants.

Philippe Jeantot : "J’assiste sans réagir depuis plusieurs mois à un déferlement médiatique qui se transforme peu à peu en campagne de dénigrement c’est pourquoi je voudrais apporter quelques éléments de reflexion à ceux qui m’ont jugé un peu vite.

Pour ce qui concerne le montant de la dette fiscale. Il faut savoir que les controles fiscaux dont je fais l’objet portent sur les années 96 ,97, 98 ,99, 2000 , 2001. Ce qui représente deux éditions du Vendée Globe . Le budget total percu par Sail Com pour ces deux éditions est de 2 millions d’euros pour le VG 96 et de 3 millions d’euros pour le VG2000. En tout 5 millions d’euros de chiffre d’affaire sur huit années. Comment l’administration fiscale peut elle objectivement prétendre que je dois 3 millions d’euros d’impot . Ce qui représente 60% du chiffre d’affaire alors qu’en France une entreprise paie 33 % de son bénéfice en impot (le bénéfice est en moyenne d’environ 5% du chiffre d’affaire ). Sur ces bases pour payer 3 millions d’euros d’impots, il aurait fallu que je fasse 200 millions de chiffre d’affaire...

Pour ceux qui ont oublié, mais surtout pour ceux qui ont réécrit l’histoire à la manière qui les arrange aujourd’hui je voudrais faire un bref historique.

En mai 1987, à Newport aux USA alors que je venais de gagner le deuxième BOC Challenge j’annonçais que Bertie Reed, Guy Bernardin et moi avions fait le pari de savoir celui qui serait le plus rapide sur une régate en solitaire autour du monde, sans escale ni assistance. C’était le défi de trois copains désireux de franchir la dernière marche de la difficulté. Pas d’argent, pas de gloire à la clé, seulement de la passion. Ayant été adopté par les Vendéens et ayant fait de Port Olona mon Port d’attache, j’ai proposé que notre défi parte des Sables d’Olonne.

Rapidement, le nombre a grossi et nous nous sommes retrouvés à treize marins. D’un simple défi confidentiel entre trois copains je me retrouvais en face d’un événement . Ca voulait dire une infrastructure, une équipe, un PC course . Malgré moi , je me suis retrouvé à la tête d’une organisation et il fallait trouver de l’argent pour financer ce que j’avais baptisé le GLOBE CHALLENGE.

Quand le départ est arrivé , le budget n’était toujours pas bouclé , j’étais couvert de dettes et pourtant je suis parti avec mes douze copains . Le Conseil Général de Vendée , la Ville des Sables , Le Credit Agricole et quelques autres ont permis de réunir le minimum vital et la course a été rebaptisée VENDEE GLOBE CHALLENGE .

Je venais de réaliser mon rêve d’enfant et pour moi l’histoire était terminée.

Mais tous les sponsors du Vendée Globe Challenge , tout surpris de l’impact médiatique et économique insoupçonnés de cette édition ont flairé la bonne affaire pour la ville , le département et la région et m’ ont demandé de préparer une seconde édition .

Chose que j’ai commencé par refuser, car pour moi ce défi devait rester unique , et puis j’ai fini par accepter de m’occuper d’organiser la deuxième édition. Mais cette fois en ne cumulant pas les fonctions d’organisateur et de concurrent .

Je repartais quelques mois plus tard pour prendre le départ du BOC qui devait être mon quatrième et dernier tour du monde en solitaire. J’avais décidé de mettre un terme à ma carrière de compétiteur et de fonder une famille . Je suis rentré en juillet 91, aux Sables d’Olonne ou les Vendéens m’ont réservé un accueil inoubliable. C’était le point final de dix ans de compétition .

Quelques mois après l’arrivée [de l’édition 92], je demande un rendez-vous à Philippe de Villiers , qui était devenu le Président du Conseil Général. Il me reçoit dans son bureau en compagnie de Louis Guedon ( maire des Sables ) et de Jacques Ruchaud (Adjoint aux Sports aux Sables ). Je leur annonce que j’ai décidé de partir avec ma femme et mes deux enfants faire un tour du monde en croisière et que celui ci est prévu pour durer une dizaine d’années. En conséquence je ne pouvais plus m’occuper du Vendée Globe et que par conséquent je désirais vendre l’événement que j’avais crée. Par correction , je leur donnais la priorité du rachat. Après qu’ils aient consulté un cabinet d’experts (KPMG ) mes interlocuteurs m’ont répondu qu’il n’était pas possible pour des collectivités de se porter acquéreur d’un événement sportif et qu’en plus ils n’avaient ni les structures,ni le savoir faire pour l’organiser .

Philippe de Villiers, se reposant sur notre vieille amitié a su trouver les mots pour me convaincre d’adapter ma circumnavigation, de façon à pouvoir quand même m’occuper du Vendée Globe. J’ai accepté ce compromis ; Je devais rentrer tous les ans pendant trois mois pour préparer la course et l’année de l’épreuve je passais quinze mois à terre .

Les éditions 1996 et 2000 se sont déroulées de cette façon."

Texte complet à lire ici : http://www.vendeeglobe.com/fr/news2.htm



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