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Jeux Olympiques • Qingdao

Julien Bontemps : "Mon objectif, c’était une médaille"

Le planchiste Français obtient l’argent et la 3e médaille tricolore

mercredi 20 août 2008Information FF Voile

Avec Julien Bontemps la France atteint la barre des 30 médailles aux JO. Sa médaille d’argent est la troisième ramenée à la voile par les planchistes tricolores après l’or de Franck David en 1992 et de Faustine Merret en 2004. Grâce à Julien, la voile française bat d’ores et déjà son record Record #sailingrecord de médailles à des JO avec trois récompenses. Et ce n’est peut-être pas fini puisque demain Xavier Rohart et Pascal Rambeau, 4e ce soir à 4 points des Brésiliens, peuvent espérer encore décrocher une médaille dans la Medal Race des Star. Portrait et interview de notre nouveau médaillé d’argent, Julien Bontemps.

Interview de Julien Bontemps

Tes pensées à l’arrivée ?
- Vraiment à l’arrivée, je n’en pouvais plus. Je crois que je n’aurais pas fait un mètre de plus. J’avais tout donné. Depuis deux jours, je ne dors plus très bien. C’était le stress. J’ai tenté de le cacher aux autres concurrents. Ce qui me rassurait, c’est que j’imaginais les autres dans le même état. En arrivant, j’ai pensé très fort à ma famille, à ma femme Irina, à mes entraîneurs, Françoise Le Courtois, Pascal Chaullet et mon préparateur physique Jean-Claude Ménard. Et puis tous mes partenaires d’entraînement qui après ma sélection m’ont aidé et sont devenus mes amis : Samuel Launay, Nicolas Le Gal, Nicolas Huguet. Je pense aussi beaucoup à ma seconde maman, Christine Vieillard, qui vient de décéder. C’est la famille qui m’a accueilli à La Baule à 14 ans quand j’ai fait sports études.

Ca se joue à quoi cette finale ?
- A pas grand-chose. Dans le premier bord, j’ai essayé de marquer le Néo-Zélandais et pour se dégager, il vire et part à droite. Or, c’est de là que le vent est revenu. J’avais également très peur d’être disqualifié car deux concurrents avaient pris un départ anticipé et étaient revenus sur la ligne, l’Israélien et le Japonais. Or, je me savais très chaud sur la ligne, juste à côté justement du Japonais. Et comme le drapeau de disqualification n’était pas descendu du bateau comité, j’avais très peur que ce soit moi. A la marque au vent, je regarde le bateau pointeur pour savoir si c’est moi et c’est d’ailleurs pour cela que je tombe… J’ai soufflé quand j’ai vu que c’était le Grec. La chute ne m’a pas trop handicapé car je repars où je voulais aller pour le portant, à gauche du plan d’eau. Ensuite, c’était serré et j’avais peur que le Britannique revienne.

A l’arrivée tu étais très ému, tu as pleuré un bon moment ?
- Oui, mais c’était des larmes positives, de libération. J’étais super content et la tension baissait d’un coup. Mon objectif, c’était une médaille, pour la couleur je savais que cela se jouerait au finish.

C’était la première fois que tu prenais le départ d’une manche finale à égalité avec deux adversaires ?
- Oui et c’est un stress terrible. Pour tout le monde je pense. C’est à celui qui le gère le mieux. Les JO, c’est déjà une grande émotion mais là avec cette finale aussi serrée, c’était terrible. Hier matin en recevant des textos, je me suis mis à pleurer. Là encore, c’était positif. Ce matin, je me sentais limite malade au lever. C’était la première fois que je ressentais cela. Une médaille d’argent aux JO, c’est plus fort qu’un titre de champion du monde. L’émotion est si forte que d’aller chercher une médaille quelque soit la couleur, c’est extraordinaire tellement cela représente d’efforts. Il faut battre les autres mais je me suis auto-vaincu aussi…

C’est une revanche sur Athènes ?
- Non, je n’aime pas trop le mot revanche. Mais c’est sûr que j’ai cherché à progresser après ces JO. Quand tu regardes une médaille, tu te dis que c’est le résultat de beaucoup de boulot, près de 20 années en fait.

Vivre ces JO avec ta femme qui courait pour la Bulgarie, c’était un plus ?
- Oui bien sûr. Elle fait une super régate elle aussi en terminant 12e. On s’est aidé mutuellement. Cela nous a permis également de décrocher un peu parfois car 20 jours ici c’est long.

Les raisons principales de cette médaille ?
- Détermination, persévérance, et les tripes.

Une centaine de supporters français était sur les tribunes avec une grosse partie de l’équipe de France. Tu as été les saluer. C’était fort ?
- Oui et du coup, j’ai pleuré de nouveau.

C’est important d’avoir amené la troisième médaille qui bat le record Record #sailingrecord de la voile française aux JO ?
- Oui, c’est énorme. C’est une vraie équipe où tout le monde est attentif à tout le monde. Par exemple, ce matin, je ne voulais pas voir trop de monde au moment de mettre ma planche à l’eau car j’avais peur de craquer. Et bien, il n’y avait pas un chat (rire). Et avant le départ quand j’ai vu tous ces drapeaux français sur la jetée, c’était génial. Ces résultats, c’est aussi parce que nous avons une super équipe.

Poursuivre la grande lignée de la planche française avec une troisième médaille, c’est important ?
- Oui bien sûr même si je ne me compare pas à Franck David et Faustine Merret qui ont eu l’or. Chacun a ses qualités. C’était une super compétition avec tout le bonheur qui va avec. C’est un rêve accompli, un rêve que je faisais depuis que je suis rentré en sport études.

La suite ?
- Je ne compte pas m’arrêter, l’olympisme c’est trop génial.

- Pascal Chaullet, entraîneur, déjà entraîneur des planches à Athènes : C’est toujours autant de plaisir. Elle a été dure à aller chercher. Elle ne s’est jouée à rien et jusqu’à la fin, j’étais inquiet. C’était très éprouvant car ces derniers jours, c’était dur psychologiquement. Au début, Jules n’était pas très bien car c’était difficile de contrôler tout le monde. Il a repris la tête puis le Néo-Zélandais a réussi à s’échapper. Il y a eu énormément de changement. A la fin, j’ai cru qu’il allait doubler Tom mais j’ai également eu peur jusqu’au bout d’un retour de l’Anglais. Ses premiers mots ont été : « je n’en peux plus ». C’était émouvant et bien.

- Claire Fountaine, directrice de l’équipe de France : C’est une très belle médaille car elle était difficile à aller chercher. C’est évidemment super d’arriver déjà à trois médailles, un record Record #sailingrecord , avec aussi de beaux résultats dans d’autres séries comme les Laser hier. On va suive avec attention les Star demain .

- Irina Bontemps, épouse de Julien : Je ne me rends pas vraiment compte pour l’instant. C’est trop d’émotion. C’est énorme. Dans les tribunes, mon cœur battait français ! A l’arrivée, on ne s’est pas dit grand-chose. Les regards ont suffi (elle a touché la médaille à plusieurs reprises). J’ai vécu les JO avec lui. Comme compétitrice, je savais ce qui se passait sur l’eau. Ce matin, il était très stressé. Il n’avait pas beaucoup dormi. Il pouvait se retrouver 5e ou 4e et non !

Podium des JO de Qingdao en RS :X

- Médaille d’or : Tom Ashley (NZL) - 52 pts
- Médaille d’argent : Julien Bontemps (ASPTT Nantes) - 53 pts
- Médaille de bronze : Shahar Zubari (ISR) - 58 pts

Pour en savoir plus

Site officiel de l’équipe de France de Voile :
- http://www.ffvoile.net/equipedefrance

ISAF mini-site spécial JO avec tous les résultats :
- http://www.sailing.org/olympics/

Site de l’Equipe de France olympique (tous sports) :
- http://www.franceolympique.com/

Info presse Eric Coquerel / Effets Mer / FFV


Portrait de Julien Bontemps

Après une première tentative à Athènes, Julien n’a cette fois pas laissé sa chance. Il était arrivé en Grèce avec un statut de favori fort de son titre de champion du monde de Mistral. Le rêve n’aura duré que le temps d’une journée. Pour avoir gréé par erreur son mât de rechange, il a été disqualifié dès la première manche et n’a jamais pu ensuite revenir complètement dans le match. Au final, une 9e place éloignée de ses ambitions et de son talent. En quatre ans, de l’eau a coulé. Et paradoxalement moins sous sa planche que lors des précédentes préparations olympiques en raison d’un autre challenge, également réussi, l’obtention de son diplôme de professorat de sport qui l’a retenu loin des plans d’eau. Julien s’est également marié à une planchiste bulgare, Irena Konstantinova, qui a également fait briller le nom de Bontemps en planche féminine en y terminant à la 12e place. Ces événements extra sportifs, les enseignements d’Athènes peut-être également, ont fait mûrir à la fois l’homme et l’athlète.

Il a planifié son retour avec méthode, travaillant la relaxation, et ses points présumés plus faibles comme la vitesse au portant. Après son retour tardif à la compétition, on l’a vu remonter progressivement dans la hiérarchie mondiale : 11e au mondial 2008 en début d’année, 2e à la SOF puis au championnat d’Europe début mai et, enfin, vainqueur de la Semaine de Medemblik deux semaines plus tard. Il est arrivé aux JO cette fois dans un rôle d’outsider revendiqué hier encore, veille de la Medal race. Une humilité non feinte mais aussi la volonté de ne pas endosser de pression inutile. Cette médaille récompense l’un des plus grands talents de la planche à voile française, un style remarquable et reconnaissable également sur l’eau dont il ne départit pas, même dans une régate de « pumping » comme fut celle d’aujourd’hui.

Paradoxalement, Julien est né quasi en altitude, à Epinal dans les Vosges il y a 29 ans et a débuté la planche à voile sur le lac de Gérardmer où il s’inscrit au club local à 11 ans. Ses premières tentatives sont difficiles : « la première fois, pour que je ne dérive pas, on avait attaché ma voile à un ponton. C’était frustrant car à chaque fois que je parvenais à relever ma voile, j’étais ramené au bord ! ». Il gagnera la région nantaise pour passer son BAC dans le cadre du « Lycée sports études » de La Baule à 14 ans. Il devient vice-champion de France senior en 98, remplaçant de Guyader pour les JO de Sydney et explose à l’olympiade suivante avec deux podiums mondiaux, dont le plus haut en 2004, et deux titres de champions d’Europe avant le résultat que l’on sait à Athènes. Il débute parfaitement cette nouvelle olympiade en remportant le championnat du monde de planche Raceboard 2005 (en réalité, le premier mondial officieux de la toute nouvelle RS :X) puis, on l’a vu, ouvre une grande parenthèse pour ses études. On connait la suite. Julien est également un garçon attachant qui aura, tout au long, de l’épreuve réussi à cacher son stress et sa tension à ses adversaires. Il a craqué à l’arrivée mais ce n’était que des larmes de bonheur. Des larmes d’argent…



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