Il y aura donc dans le bassin Paul Vatine du Havre plus de trois fois plus de monocoques que de multicoques. Soit autant de coques ! C’est un signe fort à un an du Vendée Globe : les 60 pieds et la jeune classe des 40 pieds ont pris le dessus. Les multicoques de 60 pieds sont mourants. Ils ne seront que 5 au départ et pour eux, ce sera le chant du cygne. Leur avenir ? Peut-être d’être coupé à 50 pieds comme certains de leurs ancêtres qui ont déjà rejoint la « petite » classe. Cette Transat Jacques Vabre marque donc un tournant dans l’image de la course au large. Et si l’on compte les deux maxi-trimarans de Joyon et de Coville puis les méga-trimarans de Cammas et bientôt de Bidégorry auxquels on peut ajouter les catamarans des Peyron, cela fait une flotte d’une vingtaine de multicoques de course au large en activité… À peine plus que le nombre de 60 pieds monocoques lancés en une année avant le tour du monde en solitaire. Sponsors et skippers ont donc fait leur choix. L’avenir du multi ? Il passera peut-être par les futurs 70 pieds monotypes ou par les 50 pieds à conditions que de nouveaux bateaux y viennent rejoindre l’irrésistible Crêpes Whaou ! de Franck-Yves Escoffier & Karine Fauconnier et le nouveau Nim Intérim Management de Lalou Roucayrol et Pierre Van Den Broek (Fauconnier et Roucayrol viennent d’ailleurs de multi 60 ). Et attention, car si les effectifs baissent trop, cette classe peut aussi disparaître comme la classe des monocoques de la même taille dont la dernière apparition (sans peu d’intérêt) date de la dernière Route du Rhum.

Les regards au Havre seront donc portés sur les monocoques. En premier, il y aura la nouvelle classe reine de la course au large, celles des monocoques IMOCA. Sur les 18 inscrits du plateau, 10 sont des bateaux neufs ! Peu avant le départ de la Barcelona World Race en double qui a accaparé quelques ténors du circuit, la Transat Jacques Vabre offre un beau gallot d’essai et de comparaison à ces bolides dont le nouveau plaisir consiste à montrer son bulbe à tous vents. Si ce genre de situation tient de sinistre mémoire depuis les mésaventures antarctiques de Thierry Dubois et Tony Bullimore, il semble que la nouvelle génération de skippers y voit un moyen de montrer aux autres l’étendue de ses ambitions. Et de l’ambition, ils en ont besoin pour rivaliser avec les deux anciens vainqueurs du tour du monde qui sont, eux-aussi, dans les starting-blocks. D’ici le Vendée Globe, il y a de nombreuses courses dont cette Jacques Vabre fait office de préambule. Suivront la Transat B2B et la Transat Anglaise… de quoi offrir une mise en bouche aux nombreux sponsors qui ont investi la manne Open avant le gâteau que représente le Vendée Globe. Hors ce gâteau, ils seront peu nombreux à se le partager et l’ombre de l’échec des multicoques de 60 pieds depuis la Route du Rhum 2002 plane au-dessus de cette classe tout autant ambitieuse. L’enjeu sera donc fort sur cette course pour les skippers de monocoques. Il va leur falloir briller pour rassurer les sponsors tout en protégeant et mettant au point leurs nouvelles Formules 1 des mers. Sans oublier un marquage psychologique des adversaires comme sait si bien le faire Michel Desjoyeaux sur le circuit Figaro. Enfin, autre pression non négligeable, celle du changement de pilote. À un an du Vendée Globe, il ne serait pas surprenant de voir quelques sponsors mécontents jouer aux chaises musicales…

Si tous les regards seront donc portés sur la classe IMOCA, une autre classe méritera aussi un coup d’oeil attentif. La Class 40 est encore loin d’être à maturité. Elle refuse le professionnalisme, mais s’est déjà laissée déborder par de nombreux nouveaux projets. Sans installer deux catégories (série et prototype) comme en mini 650, elle vit un moment crucial de son évolution avec la sortie de nombreux prototypes ou semi-prototypes. Lors de la dernière Route du Rhum, c’est un Pogo 40 qui l’avait emporté. Cela va-t-il durer ? Les trois courses qui ont suivi ont quant à elle été un échec de participation (Route de l’Equateur, Les Sables Les Açores et 1000 milles de la Brittany Ferries ont à peine intéressé 10 bateaux). Mais avec 31 inscrits sur la Jacques Vabre, les skippers de ces nouveaux bateaux installés entre les Figaro-Bénéteau et les 60 pieds IMOCA, ont clairement montré que ce sont les courses pro qui les intéressent. Et le plateau le prouve. Entre anciennes grandes gloires, semi-retraités du circuit Figaro ou jeunes loups issus du mini, la régate promet d’être rude. On retrouve ainsi Arthaud et Poupon venus se confronter à des tandems experts comme Vittet – Chabagny et Grimont - Le Roux. Mais encore Noblet – Morvan ou de Lamotte – Bubb. Il y a aura d’ailleurs huit Anglais au départ. Comme la Classe Mini et celle des 60 pieds, la classe des 40 pieds bénéficie d’un fort soutien international. Alex Bennett, un ancien de la Mini et du catamaran Team Philips, signe un retour en course au large, cette fois-ci sur un tout nouveau 40 pieds vert. Et l’Italien Giovanni Soldini fait de même avec un bateau construit à Lorient. Ceux-là ne sont pas venus là pour jouer entre amateurs. La Class 40 voit donc plutôt son avenir en pro mais… en second couteau des 60 pieds ? La Transat Jacques Vabre 2007 devra montrer si ces beaux bateaux retiennent l’attention du public et justifie l’intérêt actuel des sponsors. En tout cas, avec 31 bateaux inscrit, elle est la grande classe de cette huitième édition !