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Route du Rhum - La Banque Postale

Stève Ravussin : "le bateau est monté, monté, monté"

Le skipper du trimaran Orange Projet raconte son chavirage et son sauvetage

mardi 7 novembre 2006Information Route du Rhum

Sauvé ! Stève Ravussin, dont le trimaran Orange Project a chaviré cette nuit après une défaillance de son pilote automatique, très au nord de la flotte et en plein milieu de l’Atlantique, a pu être récupéré par un chimiquier-pétrolier russe, l’Oktha Bridge, qui fait route vers l’Angleterre.

Stève Ravussin avait déclenché sa balise Sarsat à 0h28 par 40°25 nord et 41°35 ouest et a été sauvé vers 6H TU. Le skipper suisse va bien. Stève s’en tire avec une immense frayeur : coincé dans le cerceau de son poste de barre, il s’est d’abord retrouvé à la verticale à 16 mètres de hauteur et a fait la grande bascule dans le chavirage de son trimaran.

Puis, prisonnier sous l’eau, il ne respirait dans un premier temps que lorsque le bateau retourné se relevait dans la vague. Stève explique aussi le système basique de communication Communication #Communication inventé avec le directeur de course Jean Maurel via son téléphone satellite endommagé et comment il a été finalement hissé à bord de l’Okhta Bridge.

Voici la retranscription intégrale de sa très impressionnante première communication Communication #Communication orale avec la terre.

Stève, donne nous d’abord des nouvelles de ta santé. Comment vas-tu ?

- Stève Ravussin : J’ai eu trois vies aujourd’hui... donc, ça va pas mal...

Peux-tu nous raconter les circonstances du chavirage ?

- SR : Vu ma position je n’avais pas de quoi attaquer. Alors j’étais tranquille je naviguais sous deux ris-solent, il y avait entre 25 et 30 noeuds et la mer était très courte, j’étais à 145° du vent. J’avais mis le ballast comme les vagues étaient courtes pour ne pas prendre le risque de planter de l’avant parce que ça glissait de temps en temps assez vite et on s’arrêtait dans la vague de devant. Un moment j’ai mis le pilote pour aller raccrocher mon gennaker juste sous mon bras avant et le pilote - qui m’avait déjà fait ça - s’est mis à lofer en grand, je suis juste revenu au poste de barre à l’arrière en courant, mais tout à coup le pilote a rabattu et dans l’abattée, le bateau a planté dans la vague de devant et il est monté, monté, monté...

Moi j’étais juste dans l’espèce de cerceau (au poste de barre, ndr) que je pensais inutile mais qui, je pense, m’a pratiquement sauvé la vie... J’ai été retenu par ce cerceau je suis monté à 16 mètres de haut quoi… jusqu’à ce que le mât tape à fond l’eau mais j’ai pu résister, écrasé contre le bord du cerceau. Après le bateau, bien sur, a continué à se retourner.

Heureusement, j’étais en combinaison de survie, parce que j’avais pas mal de problèmes de peau en fait et je ne voulais pas être trop mouillé et là j’ai été pris sous les filets et dans les bastaques (sous l’eau, ndr). Heureusement, deux fois le bateau est remonté pour que je reprenne un peu ma respiration, j’ai cru que je n’arriverais pas à m’en sortir, surtout que je ne suis pas un très grand nageur, déjà que je ne suis plus un très grand marin. Ben voilà, après j’ai pu m’extirper de ces bastaques et me remettre en crashant un peu mon dos sur les filets sur le bord du bateau.

Le mât s’est cassé ?

- SR : Le mât s’est cassé au bout d’une heure peut-être. Heureusement en fait, c’est peut-être ce qui a fait un peu de flottabilité ce qui fait que le bras ne m’est pas arrivé tout de suite sur la tête trop fort. Et surtout quand j’étais emmêlé dans les bastaques, il permettait de temps en temps de sortir de la vague pour que je puisse respirer.

Tu entendais Jean Maurel et tu savais qu’une opération de secours était en marche ?

- SR : J’avais allumé mes deux balises, ma Sarsat et... je ne sais plus.. l’Argos et en fait j’essayais de téléphoner mais le micro de l’Iridium (téléphone satellite, ndr) a du prendre l’eau et plus personne ne m’entendait. Donc à chaque fois que j’appelais tout le monde disait ’allo’ (mais sans entendre Stève, NDR). Jean Maurel a eu un bon réflexe : on a mis en place un système de signes. Je l’entendais, je devais raccrocher et rappeler derrière ou l’inverse, ça dépendait. On a pu communiquer un peu comme ça et c’est comme ça que j’ai su qu’un pétrolier arrivait.

Le bateau qui t’a secouru, ça devait être impressionnant ?

- SR : Ah ben.. Ce qui est impressionnant c’est qu’il est venu deux fois à moins de cinq mètres de moi, qu’il y avait toujours du vent et de la mer et des grandes vagues, la voûte était sur ma tête et on arrivait à peine à se lancer les bouts. Ce qu’il ne comprenait pas c’est que j’avais beaucoup de cordes autour du bateau, donc comme nous lui dérivait et que nous on dérivait, ce qui était dangereux, c’est que leurs cordes se prennent quelque part. A un moment ils me disent ’saute à l’eau, saute à l’eau’ !... Il y avait au moins 500 mètres de petit filin pour amener leur amarre. Donc moi je m’étais fait un baudrier avec une corde et quand j’ai eu enfin leur amarre...

Heureusement j’avais pris un ciseau, j’ai dit ok et eux tout à coup ont tiré comme ça et je suis parti à fond. C’était sur leurs winchs hydrauliques, s’il y avait eu une corde qui me retenait au bateau c’était la même chose... j’aurais peut-être une jambe en moins mais bon, ça ne me paraissait pas très grave. Ils ont tiré à fond et j’ai pu couper avec les ciseaux le petit filin qui restait et arracher d’autres petits trucs comme la petite balise de transpondeur. Et là, ils m’ont hissé le long de leur bord qui doit faire 25 mètres de haut...


Ndr : En 2002, Stève Ravussin avait connu la même mésaventure. Alors qu’il était en tête de la 7e Route du Rhum avec une large avance, son trimaran a chaviré. L’an passé encore, il a perdu son trimaran au cours de la Transat Jacques Vabre qu’il disputait en double avec son frère Yvan (lire ici). CG


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