Ellen MacArthur est à 430 milles de Pointe à Pitre à 16 heures

Photo : G.Martin-Raget/Promovoile

A bord du monocoque Kingfisher, le stress monte au fur et à mesure de son approche de la Guadeloupe, une approche qui devrait s’effectuer demain en milieu d’après-midi pour Ellen MacArthur. Ce stress, lié bien évidement à la peur de casser au dernier moment du matériel, est augmenté par la difficulté de bien négocier les derniers milles de cette immense régate. Le programme offre en effet aux concurrents un parcours côtier de 82 milles (152 km), parcours toujours difficile à effectuer lorsque l’on a, comme ce sera le cas pour Ellen, plus de treize jours de mer dans le sillage. Entre les bateaux qui viendront à sa rencontre, entre le vent qui ne manquera pas de changer en force comme en direction, avec également des calmes plats qui ont toujours le don de sembler interminables, la bataille est loin d’être terminée. Les milles durement gagnés peuvent se perdre en un rien de temps. Ellen sait tout cela, Mike Golding (Ecover) aussi. Le finish entre les deux anglo-saxons va nous tenir en haleine toute la nuit de vendredi à samedi en Guadeloupe : soit jusqu’aux premières heures de la matinée de samedi en France.

Il y a quatre ans, Marc Guillemot (Biscuits La Trinitaine-Ethypharm) avait loupé la dernière marche du podium lors de la dernière nuit de course. Aujourd’hui, c’est bel et bien la première marche que vise Marc. « Je suis énervé et excité comme jamais et j’ai l’impression d’aller bien plus vite qu’il y a quatre ans. Et puis je suis content du décalage que j’ai réussi à faire par rapport à Michel Desjoyeaux. Ce n’est pas sur la vitesse Vitesse #speedsailing pure que je pourrais le rattraper ». En se positionnant presque 120 milles plus au Sud que l’actuel leader, Marc espère que les alizés de Sud-Est, ceux qui soufflent actuellement sur toute la zone, seront assez puissants pour rendre sa trajectoire performante. Si ceux-ci viennent à faiblir, en passant par exemple sous la barre des 18/20 nœuds, c’est alors Michel Desjoyeaux (Géant) et Lalou Roucayrol (Banque Populaire) qui seront en meilleure position. En effet, dans ce finish, tout est question d’angle par rapport au vent pour arriver au mieux sur l’île de la Désirade, située au large de la pointe Est de la Guadeloupe.

C’est en laissant cette île à tribord, comme le stipulent les instructions de course, que va débuter à proprement dit le parcours côtier long de 82 milles. Les concurrents vont devoir virer dans un premier temps une bouée mouillée dans la baie de Pointe-à-Pitre puis ils iront enrouler une seconde marque mouillée au pied du port de Basse-Terre, derrière la pointe la plus Sud de la Guadeloupe. C’est là que les pièges sont les plus nombreux avec, selon les heures, des possibles calmes plats qui peuvent engluer des heures les skippers. Une fois cette bouée contournée, les skippers reviennent parer la bouée de Pointe-à-Pitre avant de franchir, enfin, la ligne d’arrivée située à quelques encablures du port de commerce et de plaisance Plaisance #Plaisance .

A 8 nœuds de moyenne, cela représente une régate de dix bonnes heures...Heureusement, Ellen MacArthur (Kingfisher) a pu reprendre des forces avant cette ultime épreuve où il faudra avoir la tête claire et où le moindre répit ne sera en aucun cas permis. « Je suis sous génois et non plus sous gennaker, ce qui est un peu plus reposant, confirme Ellen qui a donc profité de la bascule de l’alizé au Sud-Est alors qu’il soufflait auparavant à l’Est-Sud-Est. J’ai pu dormir en prévision de l’arrivée. Le niveau de cette course est très, très haut, c’est la plus dure que j’ai jamais faite et être chassée, c’est pas le plus facile, c’est très stressant ». Toute la Guadeloupe s’apprête à accueillir comme il se doit la jeune britannique qui, du haut de ses 25 ans, impressionne une nouvelle fois tout son monde. Mais le plus bel éloge ne peut venir que d’un marin en mer. Joé Seeten (Arcelor-Dunkerque), qui contrôle à merveille le retour en force de Roland Jourdain (Sill), ne tarit pas d’éloge sur Ellen et sur son poursuivant Mike Golding (Ecover). « On prend une très belle leçon. Alors que cela fumait de partout, elle et Mike arrivaient à me coller 30 à 40 milles dans la vue. Ce sont deux furieux qui nous font une belle démonstration ». Beaucoup plus loin au classement, Mike Birch (Tir Groupé-Montres Yema) suit également la marche en avant d’Ellen. « Elle connaît bien son bateau et ce qu’elle fait, c’est magnifique » lâche le vétéran de la course. La Route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum a toujours raconté de très belles histoires. Celles qui sont en train de s’écrire sont à la hauteur des chapitres précédents.

Nicolas Raynaud

Gouttes de Rhum   Nuit magnifique, pleine lune et première journée sans nuage pour le skipper de Sill, Roland Jourdain. Comme à son habitude, Bilou a eu ce que l’on appelle un bon mot : « Dans un film, il y a une star et des acteurs derrières... Ellen a fait une superbe course, belle route, belle vitesse Vitesse #speedsailing . C’est bien elle la star ».

Lors de la vacation radio, Michel Desjoyeaux (Géant) a proposé de récupérer au passage Stève Ravussin (TechnoMarine) qui vient de passer une deuxième nuit dans la coque centrale de son trimaran retourné. « Je suis à environ 80 milles de sa position. Il pourrait se jeter à l’eau dans sa combinaison de survie et je peux lui fournir une balise Argos qu’il fixerait sur son bateau pour ne pas perdre sa trace », explique Michel. Mais Stève refuse de quitter son bateau. Il attend patiemment l’arrivée d’un remorqueur qui a appareillé de la Guadeloupe. « « Le remorqueur qui doit venir me chercher devrait partir dans l’après-midi. Il mettra environ 3 ou 4 jours pour venir sur zone. Ca fait 36 heures que je suis là, je peux bien attendre encore un peu. Par contre, le bateau retourné est peu confortable, je commence à avoir mal au dos mais sinon tout va bien à bord. »

En direct du rhum

Michel Desjoyeaux (Géant) : « Le rythme n’est pas celui d’un Figaro, c’est assez supportable. Je suis pour le moment intercalé entre mes deux poursuivants, ce qui me permet de les contrôler. Dès qu’un grain arrive, je roule le genaker, j’attends que ça passe et je ré-envoi pour attaquer. »

 Roland Jourdain (Sill) : « Je n’éprouve pas encore un réel plaisir à surfer sur les vagues. C’est un peu mou. Pour l’instant, la priorité est de revenir le plus vite possible sur Joé (Joé Seeten sur Arcelor Dunkerque NDLR) mais le problème est qu’il avance également vite. La vie à bord se passe bien mais il fait trop chaud. J’attends impatiemment le soir car il y a un peu plus de vent et la température baisse un peu. »

 Franck Yves Escoffier (Crêpes Whaou !) : « Alors voilà, je n’ai plus de pilote ! Je barre donc beaucoup avec à porté de main à manger, à boire et le téléphone iridium. Je me suis un peu arrêté cette nuit pour me reposer mais depuis 5h ce matin je tiens la barre. Je suis pressé d’arriver. »

 Hervé Vachée (Mille Visages) : « C’est difficile pour les nerfs. Il n’y a presque pas de vent car je suis retombé dans une bulle. Il va falloir encore descendre plus au sud pour aller chercher les Alizés. L’avantage est qu’il fait chaud. Je suis passé de 24 à 31°. »

 Etienne Svilarich (Grain de Soleil) : « Le vent adonne en ce moment. Je crois que je ne vais pas tarder à empanner pour contourner l’anticyclone. Je tiens pour le moment une moyenne de 7,5 nœuds. Mon arrêt à Sao Miguel m’a fait perdre une journée sur mon tableau de marche mais il n’y a pas de problème, je vais la rattraper. »

 Clément Surtel (Laiterie S^t-Malo) : « Mon but dans cette route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum est de traverser en 20 jours, je pense bien y arriver. Je commence à rattraper Hervé devant moi mais il ne faut pas que je casse. Mon bateau marche bien au portant et dans le petit temps. J’ai maintenant une carte à jouer. »

 Hervé Cléris (Vaincre la Mucoviscidose) : « Claude Thelier devant moi dispose d’un bateau avec un mât plus haut et avec une surface de voile plus importante mais je conserve une vitesse identique à la sienne. Le but pour moi est de m’accrocher car rien n’est encore joué. »

 Ellen Mac Arthur (Kingfisher) : "J’éprouve beaucoup de stress en ce moment. Mike est capable de revenir à n’importe quel moment. Chaque mille gagné sur lui peut s’évaporer en un rien de temps. L’arrivée en Guadeloupe va certainement réserver encore quelques surprises. »    

 Pierre Yves Guennec (Lehning-Lapeyre-Blanchet-Gourbeyre) : « Ayant le bateau le plus humide de la flotte je commence à bien apprécier le soleil. Par contre, je n’ai pas beaucoup de vent. J’aimerais bien que ça rentre un peu plus pour pouvoir allonger la foulée. »

 Joé Seeten (Arcelor Dunkerque) : "J’ai l’un des meilleurs de la classe IMOCA Imoca #IMOCA à mes trousses. C’est une situation assez tendue pour moi qui cherche à allier vitesse et sécurité. J’ai l’impression que ça ressemble à une grande étape de la Figaro. »  

 Mike Birch (Tir Groupé-Montres Yéma) : « Ellen fait une course formidable. Elle a la chance de pouvoir courir sur un bateau qu’elle connaît par cœur. C’est un réel atout dans une course comme celle-ci. Pour ma part, j’aimerais aller un peu plus vite et pouvoir enfin utiliser mon ordinateur pour avoir des infos. »  

 Claude Thelier (Archipel Guadeloupe) : « J’aimerais bien savoir ce que porte comme voile Hervé derrière moi. Pour le moment, c’est un peu la guerre car je suis plein vent arrière et avec un trimaran ce n’est pas la meilleure allure. De toute façon on arrivera tous de l’autre côté, je suis assez serein et vigilant pour me permettre d’espérer la Guadeloupe ».  

 Nick Moloney (Ashfield Healthcare) : "Je fais tout pour me placer idéalement entre la ligne et Luc. Les conditions sont magnifiques, j’ai le spi de tête et je marche bien. Je tiens à féliciter Ellen qui fait une magnifique course et c’est drôle car cette fois les rôles sont inversés. Ellen se retrouve devant Michel. C’est un peu la revanche du Vendée Globe même si ce ne sont pas les mêmes bateaux. »  

 Miranda Merron (UUDS) : « Mon objectif au départ était de me situer dans les 2/3. Je suis à la 8^e place et si j’arrive à gratter encore un place je serai très heureuse, mais c’est déjà bien comme ça. »  

 Luc Coquelin (Florys) : « J’ai enfin sorti la lingerie fine, ça va bien. Ca pousse fort derrière moi mais le problème est que ça va vite devant aussi. Il faut tenir le rythme. Je crois que je vais faire une autre route pour tenter quelque chose. C’est le seul truc à faire pour revenir sur Nick Moloney. »  

 Marc Guillemot (Biscuits La Trinitaine) : « Celui devant moi ne va pas dormir tranquille tant qu’il n’aura pas coupé la ligne. J’ai réussi à créer un décalage intéressant pour me permettre de revenir. Je navigue actuellement avec un ris dans la GV, ce qui me semble la meilleure solution entre les grains et cette allure portante. »