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Charles Caudrelier : "On ne va pas encore abandonner l’étape parce qu’on a toujours la solution... de terminer sous gréement de fortune"

"On a perdu le contrôle du bateau avec un énorme bout de mât qui se baladait au-dessus de nos têtes"

lundi 30 mars 2015Information Volvo Ocean Race

Dongfeng Race Team, deuxième du classement général de la Volvo Ocean Race, a démâté cette nuit alors qu’il approchait du Cap Horn, sur la cinquième étape du tour du monde. Charles Caudrelier, le skipper du bateau franco-chinois revient sur les événements de la nuit.

L’équipage se dirige vers Ushuaia (Chili) où va l’attendre l’équipe technique. Caudrelier ne souhaite pas abandonner pour l’instant. Il étudie toutes les possibilités pour terminer l’étape sous gréement de fortune même s’il reconnait que cette « option A » n’est pas la plus évidente. Le bateau doit arriver à Ushuaia d’ici 24 à 36 heures, soit mardi après-midi, heure française.

Que s’est-il passé cette nuit ?

« On allait moins vite. C’est vrai qu’on a toujours été prudents, sans doute refroidis par notre empannage chinois d’il y a quelques jours. Le but, c’était d’arriver en bon état au Cap Horn et il y avait encore plein de choses à faire après. Ces petits retards accumulés n’étaient pas très graves. On était vraiment sur la réserve et on naviguait normalement. On était à un ris fractionné (voilure réduite, ndlr) avec 25 – 30 nœuds de vent, ce qui est tout à fait raisonnable. D’un seul coup, bang ! J’étais à l’intérieur. J’ai cru que c’était un safran qui avait cassé. Je suis sorti et même sur le pont ils ne comprenaient pas très bien parce qu’il nous restait encore les voiles. Ils pensaient que c’était la tête de la Grand Voile qui avait cassé et qui s’était décrochée du mât. En fait, non, c’est le mât qui était cassé. Il a cassé très haut, au troisième étage de barre de flèche. Pourquoi ? On ne sait pas. On n’a pas fait de grosse bêtise, ça c’est sûr. Est-ce qu’on l’a mal utilisé ? Est-ce qu’on l’a trop chargé ? Je ne crois pas. On était à peu près dans ce qu’on a l’habitude de faire. C’est des mâts qui sont extrêmement cintrés et c’est vrai que ça faisait un petit peu peur. Depuis le début, on avait un peu cette inquiétude là. Il a cassé à peu près comme on aurait pu s’y attendre. Il y a peut-être un périphérique qui a cassé, ça, on ne le sait pas. »

Quelles étaient vos conditions de navigation ?

« Les conditions n’avaient rien d’extrêmes, au contraire. Nous avions une chance inouïe. On est devant une dépression donc la mer est extrêmement bonne. On avait 25 nœuds de vent avec des vents qui n’étaient pas très denses par rapport aux autres jours. Nous avons eu des conditions beaucoup plus musclées après la Nouvelle-Zélande. La mer était un pur bonheur. Ça glissait bien, ça allait vite. C’étaient des conditions tout à fait raisonnables, surtout pour ces coins là. Il n’y avait vraiment pas de quoi s’inquiéter pour le mât. »

Comment se sont déroulées les premières minutes après le démâtage ?

« Le problème qu’on a eu, c’est que nous nous sommes retrouvés face au vent. On a perdu le contrôle du bateau avec un énorme bout de mât qui se baladait au-dessus de nos têtes. Ma première frayeur, ça a été que ça tombe sur l’équipage. Il a fallu qu’on arrive à redresser la route pour se mettre à peu près au vent arrière. Nous avons réussi à faire ça. On a eu des problèmes parce que la voile d’avant était sous le bateau. Il a fallu couper un peu partout mais ça ne s’est pas trop mal terminé. Maintenant, la voile est accrochée toujours par la tête. On a nos deux bouts de mât, une voile accrochée qui vole à l’horizontale parce qu’il y a quand même 25 – 30 nœuds de vent et on avance tout doucement vers Ushuaia. Il faut qu’on arrive à résoudre ce problème : comment récupérer ce bout de mât et essayer de sauver notre Grand Voile. C’est ce qui m’importe le plus. »

Quelle est la prochaine étape ?

« On est à 160 milles de l’entrée du détroit qui mène à Ushuaia. Après, il y a 70 milles donc on est à peu près à 250 milles d’Ushuaia. Il nous faudra au moins 24h, ce sera même plutôt 36. Là bas, notre équipe technique nous attend. On ne va pas encore abandonner l’étape parce qu’on a toujours la solution, comme on l’avait fait avec Groupama de terminer sous gréement de fortune. Ça me parait quand même compliqué pour être, ensuite à temps, au départ de la prochaine étape. Mais l’objectif, c’est de gagner deux points. Il y a quand même deux points à prendre entre une place de 6e et un abandon. Mais ça va être difficile. L’option B, c’est d’arriver à ramener le bateau à Itajaí le plus vite possible pour récupérer un mât neuf et être prêt pour la prochaine. C’est l’objectif numéro 1 aujourd’hui. Il faut être à Itajaí, prêt pour la prochaine étape pour regagner des points que l’on a perdus. »

Quel est l’état d’esprit à bord en ce moment ?

« Ça va être dur dans les prochains jours car on va voir les copains qui vont faire une belle régate. Nous, il faut qu’on amène le bateau à Itajaí le plus vite possible. On ne va sans doute pas avoir de période « off ». C’est des choses aussi importantes. On attend toujours les escales avec impatience pour retrouver sa famille. Cette étape est extrêmement dure. Elle n’a rien à voir avec les autres. On était fatigué et la fin est rude. Ça va être un coup dur à avaler mais il faut se souvenir qu’il y a deux ans, il y a un bateau qui était en tête de cette étape (Groupama 4, ndlr), qui a démâté et qui a gagné la course ! Et il avait plus de points de retard que l’on en aura à Itajaí. Tout peut arriver ! On aurait pu casser en plein milieu du Pacifique, dans notre malheur on ne casse pas trop loin de la côte et on peut réagir vite. C’est un démâtage heureux ! Il y a des démâtages plus malheureux. »



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