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Tour du monde en solitaire

Thomas Coville : "J’ai ramené le bateau"

"J’ai tout donné, je n’ai pas lâché une minute"

samedi 17 janvier 2009Redaction SSS [Source RP]

Samedi à 11h41, Thomas Coville et Sodeb’O achevaient leur tour du monde en 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes. Une heure et demi plus tard, ils touchaient terre.

Après 28 125 milles autour du monde en solitaire, en trimaran, Thomas Coville amarre son oiseau de 32 m au port de commerce de Brest Brest #brest . « J’ai ramené le bateau, » murmure-t-il, les yeux fermés en serrant fort dans ses bras Joseph Bougro. « Tu as fait davantage que ça, » lui assure le fondateur de Sodeb’O, son sponsor. Sur le voilier, les yeux d’une fillette pétillent. Ils racontent son admiration pour le marin. Pour son papa. Thomas Coville est revenu d’un voyage aussi formidable que terrible. L’émerveillement de l’enfant est celui de tous ceux qui ont suivi son périple.

Les micros se tendent vers le skipper aux yeux rougis par l’épuisement. C’est déjà le moment où il faut livrer ses tripes, résumer en quelques secondes deux mois passés en mer. « J’ai tout donné, je n’ai pas lâché une minute, dit-il avant qu’un nœud n’entrave sa gorge. J’étais parti pour le record Record #sailingrecord et ça, je n’ai pas réussi à le faire. » Il faut déjà répondre à la question suivante. Coule une larme. De ses mains cabossées, le marin finit par l’essuyer. Peut-on lire sur les mains les efforts qu’il a dû consentir ? Simplement une évocation. Quand aux embrassades avec les proches succèdent les poignées de main, Thomas doit s’excuser : ses pognes sont tellement amochées qu’il ne peut pas serrer fort.

Encore des questions. Pour répondre, Thomas ne regarde pas ses congénères mais le ciel et son multicoque. « J’ai vécu quelque chose de fort avec ce bateau, une osmose totale, c’est rare. Il a été exceptionnel dans ses réactions, dans son comportement. C’est inimaginable. Il est hyper sain au portant. J’ai engagé dans l’eau jusqu’à la moitié du trampoline et il est ressorti. Jamais il ne m’a déçu. » Le skipper ne tarit pas d’éloges sur son alter ego et esquive adroitement chaque compliment.

« Je suis content de voir le bateau en bon état, observe Benoît Cabaret, l’architecte de Sodeb’O, mais c’est le bonhomme, plus que le bateau qui m’impressionne. » Pourtant, Thomas sait que le trimaran a beaucoup encaissé, qu’il y a des fissures à l’intérieur. « Le bateau est cabossé, moi aussi. » De l’extérieur, on ne devine rien. Jusqu’à la ligne d’arrivée, à l’entrée du chenal de Brest Brest #brest , le skipper est resté concentré. « C’est un endroit dangereux et très compliqué à gérer en solitaire. La dernière nuit est très particulière. J’avais à cœur de rester sous les 60 jours. Je ne pensais pas aller aussi loin. A terre, on se fixe des limites qui n’existent pas. »

Désormais Thomas Coville fait partie des trois seules personnes qui ont bouclé le tour du monde en solitaire à bord d’un multicoque sans escale. En 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes, il a parcouru 28 125 milles à la vitesse Vitesse #speedsailing de 19,6 noeuds. Alors, effectivement, il boucle la boucle avec 2 jours, 7 heures et 13 minutes de plus que Francis Joyon, mais ayant parcouru 1725 milles de plus, Thomas Coville a été le plus rapide. « Il faut qu’il en prenne conscience, insiste Patricia Brochard, directrice de Sodeb’O. Ça me fait penser à ces grands explorateurs qui partaient sans savoir ce qu’ils allaient découvrir. »

De retour de son périple, Thomas Coville sait qu’il lui reste des découvertes à faire. Il a déjà sa feuille de route. « Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux changer et la sagesse de faire la différence, » confiait Thomas en citant Marc Aurèle. « La sagesse, il va me falloir du temps pour la trouver ».

Info presse Team Sodeb’O / www.sodebo-voile.com


60 jours autour du monde, en solitaire, sur un trimaran

Quatrième tour du monde de Thomas Coville ! Déjà, la première fois, il naviguait en solitaire et en monocoque sous les couleurs de Sodeb’O. C’était il y a huit ans, lors du Vendée Globe. Converti au multicoque, le Trinitain devient aujourd’hui le troisième marin après Francis Joyon et Ellen MacArthur à avoir contourné le globe, seul, en multicoque et sans escale. Retour sur ces 60 jours à cent à l’heure.

Partir ! Brest, 18 novembre 2008, 9 heures. Les analyses météo confirment que la fenêtre est la bonne. Il faut partir. Branle bas de combat. Thomas passe au mode « course ». A quai, Olivier de Kersauson salue son ancien équipier qui s’élance en solitaire. A 14h54, Sodeb’O coupe la ligne devant le phare du Petit Minou.

L’Equateur en 7 jours : Ça démarre vite, très vite. Un vent de Nord-Nord Ouest de 25 nœuds (46 km/h), une mer plate, le bonheur ! Sodeb’O avale les Canaries en trois jours, le Cap-Vert en cinq, et malgré des grains à l’approche du Pot au Noir, l’objectif est rempli : le trimaran franchit l’équateur en 7 jours et 8 minutes, à une vitesse moyenne de 16,3 nœuds (30 km/h). Nous sommes le 25 novembre.

Sainte-Hélène, priez pour eux... Premier obstacle sur la route, l’anticyclone de Sainte-Hélène garde les portes du Grand Sud. Impossible de couper au milieu, ni pour Thomas, ni pour les marins du Vendée Globe que le skipper de Sodeb’O rattrape un à un. Pourtant, un an plus tôt, Francis Joyon avait filé tout droit. Il faut se résigner à faire le grand tour par l’Ouest et descendre l’Atlantique Sud, au près, face aux vagues. Ces rudes conditions n’empêchent pas Thomas d’aligner les journées à plus de 22 nœuds (40 km/h) de moyenne.

Le 30 novembre, Sodeb’O met enfin le clignotant à gauche. La température baisse, les dépressions se font plus virulentes. Bienvenue dans les Quarantièmes ! Le Maxi Trimaran fonce vers l’Est et coupe la latitude du Cap de Bonne Espérance, le 5 décembre, après 16 jours, 13 heures et 31 minutes de course, à une vitesse moyenne de 20,5 nœuds (38 km/h). Le « tour de la paroisse » a coûté 800 milles (1480 km) à Thomas. Il atteint l’Océan Indien avec une journée et 6 heures de retard sur Francis Joyon.

Un nouveau record des 24 heures ! A l’entrée de l’Indien, le trimaran butte dans une bulle anticyclonique qu’il esquive par le Nord. Embarqué dans ce train de sénateur, le skipper perd du terrain. Mais il remet les gaz dès le lendemain. A pleine puissance, en bordure d’une dépression à l’approche des îles Kerguelen, Sodeb’O est sur des rails. Le 7 décembre, le Trimaran à Grande Vitesse améliore de 10 milles (18 km) son propre record de la distance absolue parcourue en solitaire, sur 24 heures : 628,5 milles (1164 km), à la moyenne ahurissante de 26,2 nœuds (48,5 km/h) !

Un Indien mal léché : Alors qu’à Paris, la Fédération Française de Voile récompense Thomas et Sodeb’O pour la traversée record de l’Atlantique Nord en juillet, le marin encaisse dépression sur dépression sur cet Océan Indien qu’il redoute tant. Dans le Vendée Globe, le bateau de Loïck Peyron démâte ; Thomas écrit : « J’avance encore, mais je suis tellement noué depuis plusieurs heures que je ne peux plus ni dormir, ni manger et je retiens mon souffle toutes les dix secondes. »

Peu avant le Cap Leeuwin, au sud de l’Australie, surgit une information à glacer le sang : on a repéré un iceberg long de 400 mètres sur la trajectoire de Sodeb’O. Thomas doit déserter les Cinquantièmes et remonter dans des eaux plus sûres... donc allonger la route. S’en suit une nouvelle transition météorologique compliquée, puis une seconde, peu avant la Tasmanie. Thomas touche l’océan Pacifique après 25 jours et 9 heures de mer. Son retard sur IDEC s’est creusé à un peu plus de trois jours.

Pacifique...pas tant que ça ! Déjà un mois que Thomas et son trimaran ont quitté Brest... 30 jours menés au rythme d’une transat. Trente jours sans souffler, sans une minute, ni une seconde de silence. Trente jours sans s’extraire de cette machine à laver dont le programme essorage n’en finit pas.

Sous la Nouvelle-Zélande, le solitaire doit attaquer le Pacifique, mais rien n’est idéal entre une dépression qui l’empêche de descendre et les observations satellites signalant un immense champ d’icebergs sur plusieurs centaines de kilomètres dans son Sud. Soumis au même régime que les marins du Vendée Globe, Sodeb’O est contraint à une route Nord, à hauteur des Quarantièmes... quand un an plus tôt, au même endroit, IDEC profitait de conditions plus favorables et taquinait déjà le 56e degré Sud.

Le 20 décembre, le retard du challenger est à son maximum : 2154 milles (3990 km). Pourtant, Sodeb’O carbure. La veille du réveillon de Noël, le Maxi Trimaran s’offre une journée à 623 milles (1154 km) à une moyenne de 26 nœuds (48 km/h). En dépit du froid, en dépit de la peur du chavirage ou celle d’une vilaine rencontre avec la glace, Thomas n’écoute pas sa fatigue. « Quand le bateau descend dans une vague, dans la nuit noire, tu as la sensation de tomber dans un gouffre. A bord c’est invivable, tu es secoué, ballotté. Tu heurtes des trucs et tu ne sais pas ce que c’est, des paquets d’algues durs comme des troncs d’arbres, » confie-t-il avant de vivre, peu avant le Cap Horn, ses pires heures depuis son départ.

Le Cap Dur ! A l’heure de la tournée du père Noël, alors que des icebergs dérivent encore sur sa route, Thomas plonge au Sud pour doubler le Cap Horn. De jour comme de nuit, il slalome entre les glaçons ; il essuie un terrible coup de chien et fait face à d’énormes vagues ; l’épreuve dure 48 longues heures. Enfin, il renvoie de la toile, mais une claque à 50 nœuds (92 km/h) fouette la grand voile de Sodeb’O. Bilan : quatre lattes brisées et sept heures de travail en équilibre au bout de la bôme, pour changer ces tiges de carbone longues de cinq à neuf mètres. Les mains du skipper sont à la limite de l’engelure. Le 28 décembre, encore sonné par cette fin de Pacifique qui n’en a que le nom, Thomas enroule le Cap Horn, le troisième et dernier grand cap de son parcours. Au quarantième jour de mer, le compteur indique 4 jours et 17 heures de retard sur Francis Joyon, mais l’écart s’est réduit à 1 300 milles (2400 km).

Fusée Coville : Après le Horn, le virage à gauche est serré. Sodeb’O coupe au plus court par le détroit de Le Maire et laisse à tribord (à droite) l’Ile des Etats. Le long des côtes sud-américaines, une activité dépressionnaire promet une remontée express. Le 3 janvier, tous les espoirs sont permis, Thomas revient à 300 milles (555 km) de son adversaire virtuel ! Mais un petit bord vers la côte, puis un alizé perturbé par des grains orageux inversent la machine. En deux jours, le retard de Thomas triple à nouveau.

Retour dans l’hémisphère Nord : L’effet yo-yo avec Francis Joyon continue. En franchissant l’équateur, le 7 janvier, après 50 jours et 5 heures de mer, Sodeb’O a repris du terrain ; l’écart n’est plus que de 574 milles (1063 km). Depuis le Horn, Thomas a repris deux jours et demi. Si la météo y met du sien, le record est jouable ! Certes, depuis le départ, le skipper a parcouru 1400 milles (2593 km) supplémentaires pour contourner les obstacles météo, mais avec une moyenne de 16,97 nœuds (31,43 km/h), Sodeb’O surpasse les 16,6 nœuds (30,74 km/h) du détenteur du record.

Enchaînement malheureux : Légèrement ralenti dans un Pot au Noir assez peu actif, Thomas lutte pour remonter un alizé de Nord-Est ponctué de grains violents. Sodeb’O progresse à rebrousse vagues, sans franchement allonger la foulée. L’horloge tourne et les espoirs de record s’envolent quand les Açores étalent leur anticyclone. La dépression espérée gonfle, mais s’avance très Nord dans l’Atlantique. Elle s’annonce musclée, et même très musclée, levant une mer furieuse. Thomas bataille au près et se rend à l’évidence : cette année, il ne battra pas le record de Francis Joyon.

L’exploit est là : Cette année, à bord du Maxi Trimaran Sodeb’O, Thomas Coville a fait le tour du monde en solitaire, sans escale. En ralliant Brest le samedi 17 janvier, son voyage aura près de 60 jours. Déjà recordman des 24 heures en solitaire, le skipper de Sodeb’O signe le quatrième meilleur temps autour du globe, après IDEC (en solo) et les performances d’Orange II et Cheyenne (en équipage). Les hommes et leurs bateaux ont fait des pas de géants depuis l’époque où Olivier de Kersauson arrivait à Brest, en héros, après avoir tourné en solitaire autour du globe ; sa navigation avait duré 125 jours avec deux escales. C’était il y a 20 ans, c’était au XXe siècle.


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