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Delta Dore fait route vers Cape Town au moteur

Le trimaran à moteur « Adventurer » part à la rencontre de Beyou & Gavignet

mardi 11 décembre 2007Redaction SSS [Source RP]

C’était la pièce du monocoque Imoca Imoca #IMOCA 60 Delta Dore que Jérémie Beyou préservait comme la prunelle de ses yeux. « L’objectif est de durer, nous sommes prudents » martelait Jérémie lors des vacations téléphoniques. Et pourtant, c’est bien le mât qui est tombé la nuit dernière d’un coup brusque.

Ce tour du monde en double sans escale que Jérémie a décidé de courir avec Sidney Gavignet vient de s’arrêter là, quelque part entre l’Afrique du Sud et le continent Antarctique, par 47 degrés sud et 33 degrés Est.

Depuis samedi 8 décembre, date à laquelle le leader PRB a démâté, Delta Dore naviguait derrière le trio de tête en 4e position. Alors que la tête de flotte prend de la distance à des vitesses effrénées, Jérémie Beyou et Sidney Gavignet ne se laissent pas déstabiliser et continuent à faire avancer le monocoque à leur rythme. Dans la nuit de lundi à mardi, le jour se leve à peine dans l’Océan Indien, Jérémie Beyou se réveille pour prendre son quart, Sidney Gavignet est à la table à carte, sous pilote automatique. Un énorme craquement fait se précipiter Sidney à l’extérieur mais il est difficile de s’extraire : le mât barre le chemin et s’est écrasé sur le roof et le cockpit. Jérémie ne peut alors cacher son effroi : « C’est impossible, pas le mât ! » Après avoir jeté le gréement par-dessus bord pour sauvegarder le bateau, Jérémie et Sidney progressent à 3 noeuds sous petit gréement de fortune.

L’équipe technique met alors en place une assistance afin de venir à leur rencontre. En effet, le monocoque Delta Dore, situé à 1000 milles de Cape Town, ne dispose que de 188 litres de gasoil, soit à peine l’équivalent de deux jours d’autonomie moteur. Or, il leur faudrait 12 jours de plus pour rallier le port d’Afrique du Sud. La machine se met alors rapidement en route, Delta Dore valide sans délai la proposition de l’équipe technique qui consiste à affréter un catamaran à moteur « adventurer » basé à Cape Town, pour rejoindre le monocoque et pallier à toutes les situations, en fonction de l’état de la mer et des conditions météo. Il faudra alors choisir entre remorquer le monocoque, le ravitailler en gasoil ou mettre en place un gréement de fortune. A son bord, Fanch Guiffant, membre du team voile, sera chargé d’aider les deux skippers dans cette tâche difficile. Le bateau d’assistance aura rejoint le monocoque Imoca Imoca #IMOCA 60 Delta Dore d’ici la fin de semaine.

Info presse Agence Kaori / www.voile.deltadore.com


Le témoignage de Jérémie Beyou et Sidney Gavignet : « Nous étions dans un vent de 24 nœuds avec des claques à 32 nœuds. C’était le moment du changement quart. Nous marchions bien avec le bon réglage de voiles. Nous étions sous grand voile avec un ris et trinquette. Sidney était en train d’allumer le moteur pour recharger les batteries. Il s’est levé de la table à carte et j’ai entendu un gros bruit de craquement. Sidney a mis la tête dehors et il a vu le mât sur le roof. Nous avons décidé d’enfiler d’abord notre combinaison de survie. C’était impressionnant d’entendre le bruit de carbone qui craque au dessus de nos têtes. Nous avons aussi préparé le bidon de survie avec l’irridium de secours. Le morceau de mât tapait contre le roof. Nous avons tout de suite pensé à Isabelle Autissier qui avait démâté, son mât avait fini par abîmer sa coque. Il était dangereux de sortir par l’arrière. Nous sommes sortis par l’avant et avons constaté les dégâts. Le mât était en deux morceaux. Une partie du mât était à l’eau sur bâbord, nous étions travers aux vagues. La tête de mât dans l’eau faisait office d’ancre flottante et à chaque vague elle pilonnait la coque. Chaque vague est très puissante. Tout est allé assez vite. Nous avons donc scié et coupé les câbles. Nous avons mis près de 40 minutes à tout nettoyer. Après, nous sommes rentrés à l’intérieur pour réfléchir à la situation. Nous avons gréé une voile de fortune avec le tourmentin entre les deux dérives. Cela ressemble à une vague chaussette. Cela va nous pousser un peu. Dans les surfs, nous pouvons marcher à 4, 5 nœuds. Nous progressons vers le nord-est. Le mât faisait partie des pièces pour lesquelles j’avais une attention particulière. Une personne de l’équipe technique est en charge du mât. Nous n’avons pas chipoté sur les quantités de carbone. Ce mât est un pieux et il n’a jamais bronché. Nous avions déjà tiré beaucoup plus dessus. Je ne comprends pas ce qui a pu se passer... »

Jérémie Beyou : " Intérieurement, je n’ai pas eu le temps de gamberger. Il fallait faire vite. J’ai juste vraiment la "rage" ; finir l’histoire ainsi, après tout ce travail, cette implication et surtout ce début de course qui nous mettait en position d’attaque dans 2-3 jours, ca me noue les tripes.Quitter une régate, surtout celle là est tellement difficile ! On connait les risques que l’on prend en choisissant de partir, mais on ne pense jamais vraiment à un tel abandon...
- Voir les autres continuer sans nous me donne déjà envie de repartir. Et puis ma déception s’accentue de la vôtre, de celle de tous les collaborateurs, de tous les soutiens que nous avons reçu depuis le début. Et puis de mon équipe qui a tellement travaillé et à qui on ramène un bateau amputé. Il va falloir rebondir. Comptez sur moi. Malgré tout, l’expérience engrangée est inestimable. La motivation et la force que je vais en retirer aussi.
- Ce qui ne tue pas renforce. Jérémie"

Sidney Gavignet : "J’ai beaucoup parlé de moi jusqu’ici, de mes émotions, de ma vision des choses. L’aventure est en passe de se terminer alors je voudrais profiter qu’il dorme pour vous parler de Jérémie, skipper de Delta Dore.
- Je lui suis extrêmement reconnaissant de m’avoir choisi pour partager ces milles marins, être au départ de cette course était une réelle chance pour moi, être à l’arrivée l’aurait été encore plus. J’étais censé représenter la maturité et l’expérience de notre duo, mais à de multiples reprises, ses propositions se sont imposées, sages et mâtures. Son "senti" du bateau est juste et son sens des priorités une obsession. Son naturel "angoissé" n’est pas toujours facile à vivre, mais on comprend vite que c’est l’envie de faire bien, de faire juste qui le tenaille. Nous n’aurons pas été trés bavares car l’objet de notre association ne se situait pas de ce côté et le bonhomme est un vrai breton, un vrai pur beurre, ça ne cause pas beaucoup ces gens là. Je regrette profondément de ne plus être en mesure de prouver ce que j’avance, mais je crois vraiment que le Beyou est à la hauteur, je crois qu’avec lui, Delta Dore dispose d’un Monsieur et que ensemble ils auront un vrai "coup" à faire sur le prochain Vendée Globe.
- Sa frustration est énorme, bien plus encore que la mienne, quand il passera au delà, nul doute que ses résultats seront sans appel. Merci Jérémie.,Sidney"



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