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Volvo Ocean Race • étape 4

La course vers Rio se relance après le Cap Horn

Sébastien Josse : "Nous sommes passés à une vingtaine de milles du Horn"

vendredi 3 mars 2006Christophe Guigueno, Information Volvo Ocean Race

Tous les 70 pieds engagés sur cette quatrième étape de la Volvo Ocean Race ont passé le Cap Horn. Le premier d’entre eux était l’équipage de Mike Sanderson passé à 12h38 TU jeudi. Le leader du classement général a ainsi encore accru son avance en empochant les 3,5 points de prime attribués à la porte du Horn. Le Kiwi devance l’Américain Paul Cayard de deux heures et le Français Sébastien Josse (quatrième) de neuf heures.

Le dernier à passer le Cap Horn est le bateau Movistar. Mais le Hollandais Bouwe Bekking reste satisfait d’être arrivé là corps et âmes comme on disait à l’époque de la marine Marine Marine nationale à voile. A moins de 300 milles de la pointe sud de l’Amérique, un grande fuite d’eau au niveau du puits de quille lui a fait craindre le pire. Finalement, l’équipage sera parvenu à colmater la fuite et à reprendre sa route... à vitesse Vitesse #speedsailing réduite. Ce matin, le skipper était rassuré : "Le Horn est 20 milles derrière nous désormais. Mais il n’y aura pas de fête au programme ! Ce qui nous rassure en tout cas, c’est que nous approchons d’eaux plus calmes."

Une circonstance réjouissante pour l’équipage espagnol qui, avant son avarie, briguait la deuxième place à la porte de pointage du Cap Horn et menaçait celui de Sébastien Josse pour la deuxième place du classement général... Une circonstance réjouissante donc puisque les derniers VOR 70s à passer le Horn l’ont fait dans des conditions assez dures. "C’était comme au cinéma. 50 nœuds de vent, 10 mètres de creux, au coucher du soleil. La mer était tellement creuse que quand on était dans le fond de la vague on ne voyait plus le soleil et on était dans l’ombre. C’était bizarre" comme l’explique ce vendredi matin le skipper Français passé quatrième (lire ci-dessous).

Après la tempête, le calme... Une fois le Cap Horn passé, les équipage se sont retrouvés dans un autre monde... météo. L’Atlantique Sud a accueilli les marins par du petit temps. De quoi soulager les organismes épuisés par ces 14 jours de navigation dans les mers les plus dangereuses du monde ! De quoi permettre aux Espagnols de réparer. Mais aussi et surtout de quoi relancer le suspens pour la victoire d’étape à Rio de Janeiro où les premiers sont attendus dans une semaine.

Des vitesses moyennes de 19 noeuds, les premiers bateaux (ABN Amro One, Pirates of the Caribbean et Brazil 1) se sont retrouvés à filer à 7 noeuds environ. Pire, les deux premiers ont choisi de filer vers l’Est, quasiment à 90° de la route pour aller chercher du vent plus fort au large. Le grand jeu Jeu #jeu des options de dessine alors que les cinq premiers équipage ne se tiennent plus qu’en moins de 60 milles à 2000 milles de l’arrivée. Les navigateurs ont donc désormais une grosse responsabilité pour trouver la meilleure route vers Rio. Par l’Est pour aller chercher des vents porteurs ? Ou bien par la terre le long des côtes argentines ? A l’Est ou à l’Ouest des Falklands dans un premier temps ? Faites vos jeu Jeu #jeu  ! La course vers Rio est bien relancée depuis le passage du Cap Horn.

Classement général au Cap Horn

# Bateau Skipper Passage Points Horn Points étape (provisoire) Points Général (estimé) Clt général (estimé)
1 ABN AMRO ONE Mike Sanderson 1238 GMT 3.5 7.0 49.0 1
2 Pirates of the Caribbean Paul Cayard 1440 GMT 3.0 6.0 30.5 3
3 Brasil 1 Torben Grael 1810 GMT 2.5 5.0 27.5 4
4 ABN AMRO TWO Sebastien Josse 2125 GMT 2.0 4.0 34.0 2
5 Ericsson Racing Team Neal McDonald 2158 1.5 3.0 21.0 6
6 Movistar Bouwe Bekking XX 1.0 2.0 27.0 5

Sébastien Josse à 05h vendredi matin

Dans quelles conditions avez-vous passé le caillou mythique ?
- SJ : C’était comme au cinéma. 50 nœuds de vent, 10 mètres de creux, au coucher du soleil. La mer était tellement creuse que quand on était dans le fond de la vague on ne voyait plus le soleil et on était dans l’ombre. C’était bizarre. En fait on sentait les vagues arriver parce qu’elles coupaient la lumière du soleil. Nous étions vent arrière à 130 ° du vent. Très rapide. Il fallait vraiment éviter les déferlantes car elles étaient tellement pentues qu’on aurait pu enfourner vraiment grave, jusqu’à coucher le bateau. Sinon, nous sommes passés à une vingtaine de milles du Horn, et quand le grain est passé, nous avons bien vu les montagnes, et le Horn lui-même. C’était vraiment différent des deux autres fois où je suis passé dans le coin. Surtout pendant le Vendée Globe où c’était très calme. C’était comme en croisière, je suis passé au ras des cailloux pour bien voir à quoi cela ressemblait. Il n’y avait pas, comme aujourd’hui, de stress avec des concurrents derrière et des points à gagner devant. Cette nuit, il fallait mettre du charbon car il y avait Ericsson à 6 milles derrière et deux points à récupérer.

Comment avez-vous géré le stress de ces dernières heures ?
- SJ : En fait, cela se gère relativement facilement. On est uniquement concentré sur la façon dont on va aborder chaque vague, les unes après les autres. Cette concentration extrême sur un problèmeparticulier fait que l’on fait abstraction de la globalité du danger. C’est une vague après l’autre, en essayant de ne pas regarder trop devant ni derrière. Si tu fais cela, tu ne te rends pas compte de la dimension des éléments autour de toi. J’ai pensé aux grands navires des siècles derniers. Quand je pense que certains essayaient pendant un an de passer. C’est dément. Et ceux qui essayaient dans le sens contraire, encore plus. A quel prix pour les hommes !

L’équipage n’a pas été trop impressionné ?
- SJ : Non. En fait, on n’était que trois sur le pont, avec un barreur, un régleur et un wincheur. Point barre. Tous les autres étaient à l’intérieur, pour des raisons de sécurité. Je suis vraiment soulagé de sortir du coin avec un équipage indemne. Nous n’avons pas eu de blessé. Tout le monde a fait gaffe et surtout j’ai demandé à ceux qui n’avaient rien à faire sur le pont de rester à l’intérieur, en combinaison de survie, au cas où. Quand on a reçu le premier appel de Movistar, on était prêt à aller le chercher car on imaginait bien leur cas de figure, vu les conditions. On a été soulagé quand on a su qu’ils avaient repris le contrôle de la situation. C’était vraiment comme dans les livres. Cela m’a fait pensé au récit de Bruno Peyron dans le 1er Jules Verne, quand il était passé avec Explorer.

Et la grand voile ? (ndr : déchirée il y a quelques jours)
- SJ : Cela va. En fait on peut maintenant s’en servir, soit avec deux ris, soit en tête de mât. Donc pour l’instant pas, de problème. Nous avons navigué avec deux ris et là comme le vent baisse un peu on va pouvoir renvoyer la toile. Par contre on a déchiré d’autres voiles avant hier. La mer était très formée avant qu’on arrive au Horn et on a enfourné plusieurs fois. Donc nous avons déchiré le spi de capelage, le Code 0 et notre genaker de capelage. Mais nous avons des supers voiliers à bord qui sont déjà à pied d’œuvre pour les réparer. Cela va être un peu plus difficile pour le spi de capelage car on en a perdu un bout. Mais cela ne va pas nous gêner pour les prochains jours, peut-être après, quand il va falloir faire du vent arrière et encore. On a d’autres voiles en réserve. De toute façon, on va s’en sortir.

Alors, vous êtes sortis de l’enfer ?
- SJ : Oui, je croise les doigts. En ce moment, on voit parfaitement bien la Voie Lactée. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu d’étoiles et c’est bon signe. Il ne devrait plus y avoir trop de nuages maintenant. On va sans doute revoir le soleil. Cela va faire du bien à tout le monde. Aux hommes et aux bateaux. On va pouvoir se sécher, et à l’intérieur, on va pourvoir commencer à évacuer la condensation.

Que pensez-vous des VO 70 pour affronter ces conditions proches de la survie ?
- SJ : Je pense que leurs plans de pont ne sont pas adaptés du tout. On prend trop de paquets de mer. C’est presque insupportable. Je pense que pour la prochaine édition, tout le monde va réfléchir et regarder ce qui se fait du côté des Open 60. Il y aura sans doute des casquettes pour protéger un peu les hommes sur le pont la prochaine fois. Là, on a l’impression que les architectes ont davantage dessiné des plans de pont pour faire de la régate et pour faire joli que pour affronter les mers du sud. C’est vraiment un peu la guerre sur ces bateaux dans les conditions extrêmes que nous venons d’avoir. Mais globalement cela reste des bateaux extraordinaires. De vrais bombes, à mi-chemin entre les monocoques et les multicoques Open 60. Mais avec l’avantage de ne pas se mettre sur le toit.

Interview par le PC presse de la Volvo Ocean Race



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