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Around Alone • 4e étape

Interview : Ollivier Bordeau fait le bilan de la cellule de crise pour aider Bernard Stamm

Le Suisse devrait faire escale aux Falkland pour réparer

lundi 24 février 2003Christophe Guigueno

Joint au téléphone en fin d’après midi, Ollivier Bordeau, le patron du chantier naval Latitude 48°24’ à Brest Brest #brest et constructeur de la quille en carbone de Bobst Group Armor Lux, explique ce que la cellule de crise, mise en place après l’incident, a décidé. Si rien n’est encore officiel, Stamm devrait s’arrêter aux îles Falkland pour réparer et tenter de reprendre la mer au plus vite, tout en gardant des chances de gagner la course autour du monde en solitaire...

Photo : B.Black / Rivacom

"On s’est réuni en cellule de crise dimanche matin à sept heures" explique Ollivier Bordeau. "Bernard a d’abord communiqué avec nous par télex car son standard B ne fonctionnait pas avant le passage du Cap Horn. A terre, il y avait Pierre Rolland (ndr : l’architecte de Bobst Group Armor Lux), Denis Gléhen (responsable des calculs de structure), les deux préparateurs de Bernard et Catherine (la femme de Bernard). Puis nous ont rejoints Marc Lefèvre et Philippe Poupon qui a un ami aux Falkland. Marc, par contre, a déjà géré deux expéditions là-bas pour Marc Thiercelin.

On a donc estimé une réparation pour ce que l’on a vu de cassé sur les photos transmises par Bernard. Mais il demeure une grosse interrogation sur ce que l’on ne voit pas. En particulier le bras de quille, la poutre qui va de bas en haut. Sous la flottaison, il est habillé par un voile en carbone. A la sortie coque, il y a l’axe en carbone qui prend en sandwich la plaque. A l’intérieur du bateau, il ne reste que la poutre. C’est elle qui est cassée en deux à mi hauteur.

On se dit que si la poutre a cassé là, c’est qu’il y a eu un effort incroyable ! Et qu’il y a sans doute eu un effort symétriquement en bas... Mais c’est sous l’eau et caché par le voile de quille alors on ne peut rien voir... C’est à Bernard de décider s’il continue ou pas... Pour vérifier, il faudrait mettre le bateau au sec et dézinguer le voile de quille en carbone pour voir l’état de la poutre. Mais c’est tellement incroyable que l’on se demande pourquoi cela aurait cassé ailleurs !

De toute façon, c’est lui qui décide. Même si c’est nous qui avons construit la quille, il a tout suivi en permanence et la connaît autant que nous.

Cette poutre est construite en deux parties tribord et bâbord. C’est la partie bâbord qui a cassé. L’autre est maintenant plus molle. Il ne peut plus l’utiliser toute seule car elle n’a plus assez de tenue.

L’idée qu’a eu Bernard, pour réparer provisoirement, a été de faire un brélage sous la cassure pour fixer la quille dans l’axe. Et quand on lui demande s’il peut continuer ainsi, il nous répond "mais vous ne vous rendez pas compte !". C’est vrai qu’il reste 3000 milles a parcourir jusqu’à Salvador de Bahia. Il y a encore beaucoup de près et sans doute de mauvais temps au dessus des Falkland ce qui sollicite beaucoup la quille. Nous avons donc préparé une solution de réparation aux Falkland.

Pierre Rolland a dessiné une pièce que Denis a échantillonnée selon les différents matériaux que l’on pourra trouver là-bas. Il s’agit de deux plats en acier qui seront fixés de chaque côté de la poutre puis boulonnés entre eux. Le plus gros de travail sera de percer les 140 mm de carbone monolithique. Une fois que ce sera boulonné, il pourra repartir. Avec seulement 4 heures de décalage horaire, ils ont déjà reçu les plans pour fabriquer la pièce. Bernard estime qu’il ne peut mettre que deux heures pour réparer et repartir. Moi j’estime plutôt le temps de l’escale à une journée..."

C’est alors une véritable course contre la montre que devra gagner Bernard Stamm. Ollivier Bordeau qui l’a eu au téléphone encore aujourd’hui confie que le Suisse garde l’esprit à la course. Cette escale aux Malouines va lui coûter 48 heures de pénalité en plus de son arrêt à terre. Dans le meilleur des cas, Bernard peut espérer terminer deuxième ou troisième de l’étape (Dalton et Schwab vont s’arrêter aussi). Il perdrait alors un minimum de points sur Thierry Dubois, encore derrière lui ce soir mais promis à une première victoire d’étape (à noter qu’Around Alone, organisée par Robin Knox Johnston, est une course aux points cette année). Tout cela, si les dégâts sur le monocoque Open ne sont que ceux visibles et que Bernard repart au plus vite vers le Brésil. Il y fera alors une réparation plus poussée.

"Après, on refera un autre bras (pour le levier de la quille à l’intérieur du bateau) en carbone ou en acier. La poutre originelle est creuse sauf au niveau de l’axe. On pourra alors fixer la nouvelle au dessus de celui-ci après avoir coupé le morceau qui reste. Il faudra aussi pousser plus loin les investigations sur ce qui a lâché. On a encore été inquiet quand Bernard nous a parlé d’une cornière cassée. Mais d’après les photos qu’il nous a envoyées cet après midi, c’est une conséquence de l’incident plus qu’une de ses causes..."

En conclusion, Ollivier Bordeau comme ses architectes sont abattus par le mauvais sort qui vient de s’abattre sur le voilier et son skipper. Mais comme le Suisse, les hommes de Brest Brest #brest gardent le moral et espèrent que le pire est passé. "Ce qui est dommage" termine Ollivier, "c’est qu’une des grosses innovations de ce bateau, en dehors du fait qu’il soit construit entièrement en sandwich de carbone, c’était cette quille entièrement en carbone !"


• Bobst Group/Armor Lux fait route vers Les Malouines

Après réflexion et consultation des propositions de réparations envisageables, c’est vers les Malouines que Bernard Stamm se dirige actuellement. A 14 h 30, il était à moins de 200 milles de Port Stanley situé au Sud Est de l’île principale. « Avec les moyens du bord, j’ai fait une réparation pour 400 milles ; Là-bas, il y aura ce qu’il faut pour consolider tout ça jusqu’à Bahia ». Pierre Rolland et Denis Glehen travaillent actuellement sur les travaux à effectuer, alors que Catherine Rouge, la compagne de Bernard, Benoît Lequin et JC Caso mettent tout en œuvre pour qu’à son arrivée, Bernard ait un comité d’accueil immédiatement opérationnel. De son côté, Philippe Poupon qui connaît bien la région active ses réseaux locaux pour trouver une équipe pouvant effectuer les travaux. Le temps est compté. Il faudra que Bobst Group/Armor Lux reprenne la mer au plus vite, sachant qu’il sera dans tous les cas pénalisé de 48 heures. Accrédité de 30 points après ses trois victoires consécuti ! ves, Bernard Stamm ne veut pas perdre un avantage si durement acquis. Thierry Dubois, son concurrent direct est à trois points de lui. Une quatrième place à cette étape mettrait Bernard à égalité avec le skipper de Solidaires. C’est dans la pétole que le skipper de Bobst Group/Armor Lux ronge son frein. « Il faut manœuvrer tout le temps, avec une prudence accrue. Je ne peux pas solliciter le bateau comme je le voudrais. C’est la quille qui fait le contre poids de toute la pression que subit le gréement, elle n’est pas en état de supporter de gros efforts. » A 6 nœuds de moyenne, Bobst Group/Armor Lux devrait arriver mercredi matin au plus tard à Port Stanley. Une nouvelle course contre la montre débutera alors. Pour l’heure les conditions météo sont paisibles et ne mettent pas en péril la sécurité de Bernard Stamm.

A 15 heures (française) Solidaires était à 64,4 milles de Bobst Group/Armor Lux, Hexagon à 562,9 milles et Tiscali à 565,4 milles, sachant qu’Hexagon va également s’arrêter pour réparer sa bôme.

Information RivaCom / http://www.bernard-stamm.com



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