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Mini-Transat

Gwénolé Gahinet : "Mon abandon dans la Mini Transat 2013"

Le récit de son sauvetage au large des côtes portugaises

dimanche 24 novembre 2013Redaction SSS [Source RP]

Gwénolé Gahinet aspirait à réaliser un doublé inédit sur la Mini Transat en accrochant une seconde victoire en prototype cette fois, après son titre en série en 2011. Malheureusement, le 14 novembre au soir, le pallier de quille arrière de Watever-Logways lâche…. et c’est à ce moment-là, une toute autre aventure Aventure qui a commencé pour le skipper du numéro 800…

Après un mois d’attente et de rebondissements la course est finalement lancée le 13 novembre de Sada, en Espagne, direction la Guadeloupe sans escale, en laissant deux îles des Canaries à tribord.

Je prends un bon départ et suis premier à sortir de la baie de Sada, talonné de près par 3 ou 4 prototypes. Le vent est prévu de monter fort en s’approchant du Cap Finisterre avec une houle de NE compliquée pour le pilotage des minis. Je prends donc le temps de prendre 1 ris dans le génois et la GV et de bien matosser les 200kg d’eau, nourriture et matériel. J’envoie le spi medium arrisé et c’est parti pour un bord de ¾ d’heure à fond, j’ai l’impression d’être constamment à 18 nœuds et je reviens bord à bord avec Benoît (Marie) et Giancarlo (Pedote) quand une grosse vague me fait partir à l’abattée, le bateau empanne et se retrouve couché sur l’eau : les 200kg embarqués et la quille basculée sont sous le vent, la grand-voile à l’envers pliée autour de la bastaque, le spi est à l’eau et moi aussi jusqu’à la taille… Première leçon : quand tu vas à 18 nœuds en mini et que la mer est un champ de bosses c’est que tu es trop toilé !

15 minutes d’effort plus tard c’est reparti avec le code 5 (spi plus petit). J’empanne assez proche du DST. A cause d’une mauvaise manipulation et d’une vague piégeuse le bout-dehors se replie et le code5 se retrouve dans l’eau, quelques secondes plus tard il est déchiré en deux morceaux ...

Perdre une voile le premier jour quand il reste trois semaines de mer c’est dur mais je me raisonne : ce n’est pas la plus utilisée sur cette transat, il y a aussi 2 spis et un genaker à mettre sur le bout-dehors pour compenser l’angle mort, ce n’est donc pas rédhibitoire mais c’est quand même une bonne deuxième leçon : quand il y a de la mer et que tu n’es pas sûr de réussi ton empannage, il vaut mieux affaler la voile d’avant !

Je fais le bord bâbord vers le sud sous grand-voile à 2 ris et génois 1 ris, il y a des rafales fortes à 35 / 40 nœuds et une houle de 3 à 4 mètres bien creuse, les surfs sont impressionnants.

Le vent mollit en se rapprochant de la côte portugaise, j’empanne vers 4h du matin le 14 pour retrouver du vent plus fort à l’ouest. Je suis sous genaker, ça fuse bien avec des surfs à 16 nœuds. Je vais jusqu’à 12°W comme conseillé par les routages, j’affale le genaker et j’empanne pour faire route directe vers les Canaries.

A ce moment là je me rends compte que mon anémomètre est cassé : je ne peux donc plus connaître la force du vent et le pilote automatique ne peut plus fonctionner en mode « vent réel ». C’est embêtant mais pas dramatique…

Un peu plus tard un choc violent me projette vers l’avant alors que je suis à l’intérieur. Ca ressemble à une collision avec un cétacé (un choc mou)… En tout cas je m’en sors indemne et après une petite inspection le bateau semble aussi en bon état.

Il fait presque nuit et je rentre pour faire une première sieste, je m’aperçois que le brûleur de mon réchaud est tordu : il est à deux doigts de casser, il va falloir maintenant manger froid sauf peut-être par temps calme où je pourrais l’utiliser avec précaution… Décidément le matériel a bien souffert en 2 jours !!

La sieste est la bienvenue : 20 bonnes minutes de sommeil ça remet les idées en place, surtout quand on a une petite baisse de moral ! Le plus dur au début c’est de réussir à bien s’installer au milieu des sacs et des bidons et à se détendre quand le bateau fait des surfs à 15 nœuds et des bonds dans les vagues…

Je suis content parce que j’y arrive plutôt bien, même avec ce nouveau petit craquement qui vient d’apparaître… j’ai l’impression que ça vient du pied de mât, le réveil retentit avec sa violence habituelle, je me lève, regarde le pied de mât mais il n’y a rien d’anormal. Quand je rentre dans le bateau je jette un coup d’œil à la tête de quille et je l’aperçois qui fait de grands mouvements d’avant en arrière alors que le bateau surfe une vague. Je regarde plus en détail et, à travers la bâche, me rends compte que la quille n’est plus tenue par le palier arrière, elle ne tient que grâce au palier avant et au palan de bascule. Le craquement vient du palier avant et j’ai peur qu’il lâche…

J’attrape un bout pour l’attacher à la tête de quille et limiter les mouvements. J’affale la grand-voile et une bonne partie du génois pour ralentir et limiter les mouvements du bateau dans les vagues.

Un coup d’œil au GPS : je suis à 100 milles de la côte portugaise, il faudrait plus d’une journée au près pour la rejoindre, hors de question vu l’état de la quille. Les Canaries ? C’est du portant mais elles sont encore à 600 milles et il y a du vent fort prévu pour les jours qui viennent, ça ne paraît pas très raisonnable non plus.

Le danger ne semble pas immédiat car la quille ne bouge presque plus maintenant que je vais lentement et que je l’ai sanglée avec un bout. Mais la situation peut se dégrader très rapidement : si elle casse le bateau peut se retourner et rester stable à l’envers !

C’est le pire scénario car la balise serait sous l’eau et n’émettrait plus ma position, il faudrait alors que je nage sous l’eau sans s’emmêler dans les bouts du cockpit pour ensuite essayer d’aller m’installer sur la coque retournée avec la balise et la VHF portable, vu l’état de la mer ce serait le cauchemar !


Voir en ligne : Info presse www.gwenolegahinet.com



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